The Walking Dead : Remake

26 septembre 2021

Cette histoire est une alternative de la saison 1 de The Walking Dead avec Lee et Clémentine.

Il est préférable de ne pas la lire si vous ne voulez pas être divulgâché (spoilé).

Dans ce récrit, les deux protaginistes ne se connaissent pas.

Les scientifiques américains et européens prévoyaient depuis plusieurs décennies des catastrophes. D’après leurs prévisions, tous les continents allaient y passer. Des millions d’êtres humains allaient mourir et toutes formes de vies sur la planète allaient disparaître. Certains scientifiques — pessimistes sur la situation — annonçaient même un probable chaos total. Depuis plusieurs années également, les humains attendaient cette fin du monde, mais aucune maladie ni aucune guerre n’étaient suffisamment puissantes pour déclencher ce chaos. De nombreux chercheurs avaient émis plusieurs théories suivant lesquelles les humains, avec leur intelligence, pouvaient venir à bout de tous les virus, de toutes les guerres et de toutes autres catastrophes pouvant provoquer une fin du monde. C’était d’autant plus vrai, car la Terre avait survécu à deux guerres mondiales, à la grippe rouge, en bref : à tous les dangers.

*

Lagos. La capitale du Nigéria était une des plus grandes villes d’Afrique. Aujourd’hui, cette ville n’était plus que l’ombre d’elle-même. La crise sanitaire avait tout détruit sur son passage et les quelques survivants tentaient de faire revivre la ville comme ils le pouvaient…

Les scientifiques ayant prédit que les humains pouvaient venir à bout de toutes les catastrophes avaient tort. Ils avaient fait leurs prévisions sans tenir compte d’une chose : l’OctaX.

L’OctaX était un virus apparu depuis plus d’un an et était devenu un fléau. Il semblait être apparu en Europe de l’Est et s’était propagé dans tous les continents ; l’Antarctique était cependant épargné.

Ce virus était incurable et aucun vaccin ni traitement ne pouvait sauver une personne contaminée. Le virus n’agissait pas comme tous les autres virus. Il affaiblissait le malade et, une fois la personne morte, elle se transformait en rôdeur dépourvu de toute humanité dont le seul réflexe était de dévorer les personnes saines. Seule une balle dans le cerveau malade du rôdeur ou plusieurs coups d’armes de poing solides pouvait le tuer définitivement.

*

Depuis quelques mois, la police était sur les traces d’un individu soupçonné de meurtre. Avec l’avènement du virus, les enquêtes avaient marqué un coup de frein, mais grâce à un appel anonyme, la police réussit à localiser l’individu afin de procéder à son arrestation.

L’agent Hassane, qui était chargé de mener cette opération, conduisait sa voiture de patrouille sur une des voies désertes de la capitale nigérienne. Aucune autre voiture ne circulait et la grande ville de Lagos s’apparentait à une ville fantôme. Les seuls individus présents dans la zone étaient des rôdeurs qui ne faisaient que grogner et déambuler à la recherche de chair fraîche. Ils n’avaient plus rien d’humain à part cette enveloppe charnelle qui était celle des humains. Ils étaient morts ; mais, paradoxalement, ils vivaient.

L’agent de police put apercevoir au loin un petit groupe de rôdeurs. Quatre de ces monstres avec des tenues sales et déchirées se tenaient devant l’agent. Ce dernier décida donc d’abréger leurs souffrances.

— Cela me fera quelques exercices de tir, s’assura l’agent en sortant calmement de son véhicule.

Il dégaina son Colt M1911 — un pistolet à 7 coups — et le pointa vers le groupe de rôdeurs. Les quatre monstres restèrent sur place et ne faisaient que grogner à la vue de l’agent de police qui pointait son arme dans leur direction ; puis il tira. La première balle traversa le crâne de l’un des rôdeurs qui s’affala d’un coup sur le bitume. Les trois autres se mirent à courir en direction du policier et Hassane vida son chargeur sur ces créatures qui s’effondrèrent toutes sur la route. Le policier ne fit aucun constat. Il rechargea son arme de poing, le mit dans son holster, entra dans son véhicule, démarra et continua sa route.

— Il faut que je fuie cette ville. Ce pays. Ce continent. Où dois-je m’enfuir, pour échapper à ce merdier ?

L’agent Hassane conduisit jusqu’à l’emplacement où il devrait procéder à l’arrestation du meurtrier. Une fois devant la maison, il dégaina à nouveau son arme et entra sans frapper dans la maison. Il fit quelques pas à l’intérieur de la demeure, ouvrit la porte de la pièce principale et vit le suspect assis dans un canapé en train de regarder un programme télé.

— Les mains sur la tête, cria l’agent de police.

Le suspect n’obéit guère et avait toujours les yeux rivés sur le poste de télévision.

— Les mains sur la tête, bordel de merde ! s’écria l’agent de police qui avait l’air de vouloir perdre son sang-froid.

— Je ne vois pas pourquoi vous êtes en train de crier. Ai-je l’air de vouloir m’enfuir d’ici ? D’ailleurs, je vous attendais puisque c’est moi qui ai passé cet appel pour que vous veniez m’arrêter. Alors, calmez-vous et venez me passer les menottes. Je ne vais opposer aucune résistance, rassurez-vous.

L’agent Hassane resta surpris par les propos du fugitif. Néanmoins, il ne se fit pas prier pour passer les menottes à son suspect. Il l’embarqua et les deux sortirent de la maison.

— Que faites-vous dans cette maison ? Elle vous appartient ? demanda l’agent Hassane.

Le suspect se mit à sourire.

— Quelle maison appartient à qui par les temps qui courent ? Regardez autour de vous, tout est vide et presque sans vie. Personne n’a encore le temps de s’attacher à des biens matériels tels que des maisons, des voitures et autres. Oh, d’ailleurs, il y avait deux belles voitures dans le garage de cette maison, indiqua le suspect.

L’agent de police démarra son véhicule de fonction afin de conduire le suspect au poste de police.

— Et pourquoi n’avez-vous pas pris une de ces caisses pour vous enfuir loin d’ici ? Et pourquoi nous avoir appelés ? demanda l’agent de police qui reprit la discussion.

— C’est moi ou vous voulez qu’on ait une discussion entre flic et prisonnier ? Bon, si nous devons causer, la moindre des choses est que l’on se présente l’un à l’autre. Vous ne trouvez pas ? demanda le suspect menotté assis sur la banquette arrière.

— Je suis l’agent Hassane Rudisha, le gars qui vous a arrêté, indiqua l’agent en regardant le prisonnier à travers son rétroviseur.

— D’accord, vous êtes très drôle. Moi c’est.... commença par dire le suspect avant de se faire interrompre par l’agent de police :

— Lee Aliyu, meurtrier, auteur de divers délits, père de deux enfants, bla-bla-bla, coupa l’agent de police.

— Vous avez fait vos devoirs, apparemment. Mais cela fait bien longtemps qu’on ne m’a plus appelé Lee. Si vous pouvez m’appeler simplement Lee, ce serait bien.

— OK, Lee, répondez à ma question.

— Votre question était de savoir pourquoi je n’ai pas pris une voiture pour me tirer loin d’ici, n’est-ce pas ? Eh bien, pour aller où ? Dans un autre État ? Au Bénin ? Au Cameroun ? La situation est pareille partout dans ce continent et je me demande même s’il y aura des survivants dans un futur proche. La seule chose qui reste à faire est de rester en vie le plus longtemps possible.

— Et fuir serait une solution idéale pour rester en vie le plus longtemps possible. Vous ne trouvez pas ? demanda l’agent.

— Oui, c’est sûr, mais je trouve que la prison est beaucoup plus sûre. On est beaucoup plus à l’écart de la menace des rôdeurs. Il n’y a aucune chance pour qu’un rôdeur vienne contaminer un des prisonniers s’il est dans sa cellule. Je préfère donc aller en prison plutôt que de me mettre à fuir la police et les rôdeurs. En prison, je serai en sécurité, vous ne trouvez pas ? finit par demander Lee.

— Donc vous n’allez pas tenter de vous enfuir ?

— Je vous pose une question et vous m’en posez une autre. C’est un truc de policier, c’est cela ? Bon. Pour en revenir à votre question, je ne vais pas tenter de m’enfuir.

— C’est déjà une bonne nouvelle.

Après quelques secondes de silence, le prisonnier reprit la parole :

— Je peux vous dire un truc ? demanda Lee.

— Dites-moi.

— Les menottes sont trop serrées. Vous avez fait exprès ? 

L’agent de police fixa la route une fois et se retourna légèrement afin de voir si les menottes étaient réellement trop serrées.

— Devant vous ! s’écria Lee qui venait de voir un rôdeur monter sur la voie.

L’agent Hassane tenta d’esquiver le monstre en tournant le volant de la voiture. Il perdit le contrôle du véhicule qui sortit brusquement de la voie. La voiture accéléra et alla se retrouver au contact de la glissière de sécurité. Cette dernière ne sut arrêter le véhicule qui commença sa descente dans un ravin. La voiture tournait sur elle-même sur plusieurs mètres avant de se heurter contre un arbre, arrêtant ainsi la chute. Après un certain nombre de minutes, Lee revint à lui. Il avait la tête à l’envers et était obligé de faire quelques mouvements avant de retrouver une position idéale. Au premier regard, tout était flou autour de lui et il avait toujours les mains menottées.

— Monsieur l’agent ! commençait-il par dire avec un air paniqué afin de voir si le policier était toujours en vie.

Après plusieurs tentatives, le policier ne répondait toujours pas à l’appel de Lee. Par la suite, Lee mit la main sur son front, car il avait senti une blessure. Il perdait du sang, mais cela ne semblait pas être grave. Le prisonnier décida alors de sortir du véhicule. Il tenta d’ouvrir la portière, mais celle-ci était coincée. Lee essayait tant bien que mal de pousser en arrière afin d’avoir de l’élan pouvant lui permettre de briser la vitre de la portière. Finalement, il réussit cela après avoir donné plusieurs violents coups de pied à la vitre. Il réussit finalement à se faufiler à l’extérieur.

Une fois libre de ses mouvements, il comprit que ce terrible accident ne l’avait pas totalement épargné. Il avait une sévère blessure à la jambe et pouvait à peine tenir debout sur les deux jambes. Malgré cela, il se rua vers la portière du chauffeur afin de sauver l’agent Hassane. Par chance, la portière n’était pas bloquée. Malgré ses deux mains menottées, Lee fit sortir l’agent de police de la voiture en le saisissant par le col de son uniforme de service. Le jeune homme vérifia son pouls, mais malheureusement il ne sentit rien. L’agent Hassane était mort.

Lee resta sur place quelques secondes et jeta un coup d’œil à ses blessures.

— Putain. J’ai besoin de soins et je doute que cet agent transporte sur lui un kit de secours. Mais bon, il doit avoir les clefs de ces foutues menottes.

Il se saisit donc des clefs qui se trouvaient à la ceinture de l’agent de police et ouvrit les menottes qui tombèrent sur des feuillages. Lee était à présent libre et pouvait chercher maintenant un moyen de se soigner. Avant de quitter les lieux de l’accident, le prisonnier eut le réflexe d’arrêter le saignement de la blessure à l’aide de sa chemise.

— J’espère que cela pourra tenir jusqu’à ce que je trouve un endroit pour me soigner…

Il fit quelques pas loin de la voiture accidentée, mais revint sur ses pas pour prendre un outil qui allait l’aider à survivre dans cette ville remplie de rôdeurs : l’arme du policier. Par chance, il y avait une grande quantité de munitions, car les policiers devaient être prêts à tout moment pour tirer sur les rôdeurs qui circulaient dans la ville. En fouillant dans la voiture renversée à la recherche d’autres munitions, Lee entendit des grognements similaires à ceux qu’émettaient les rôdeurs.

— Ces sales monstres ont entendu l’accident. Il faut que je me tire avant de me faire dévorer par ces saloperies.

Le criminel, en voulant s’éloigner de la voiture, jeta un dernier coup d’œil à la dépouille de ce brave policier qui allait devenir un repas pour ces morts-vivants qui circulaient dans la ville. Lee ne pouvait rien faire, car il avait une jambe blessée et transporter un corps sans vie serait une charge bien trop lourde pour lui.

— Désolé, mec, vraiment désolé, dit-il en prenant la direction opposée à celle d’où venaient les grognements de rôdeurs.

Il avait du mal à marcher, mais faisait quand même l’effort d’aller de l’avant. Lee finit par monter sur la voie de laquelle la voiture avait dévié quelques minutes plus tôt. Il marchait sous ce chaud soleil depuis plusieurs minutes, mais les seules habitations qu’il pouvait voir étaient encore trop loin. Il boitait et avait des difficultés à respirer compte tenu de l’énergie qu’il employait depuis ces longues minutes pour marcher. La fatigue gagnait également du terrain, ce qui n’arrangeait pas les choses. Après plus d’une heure de marche sans rencontrer de rôdeurs, il était proche d’une première maison.

Devant cette maison, il aperçut quelqu’un au loin qui lui faisait un signe de la main ; c’était une vraie personne. Dans la foulée, le garrot qu’il avait attaché se desserra. Lee dut se rabaisser afin de le resserrer. Quand il se releva, la personne n’était plus dans son champ de vision. L’homme marcha en tentant d’accélérer les pas, bien que cela lui faisait mal.

Une fois près de la maison, Lee tenta d’entrer par le portail, mais ce dernier était fermé de l’intérieur. Il regarda à l’intérieur de la maison à travers le mur et constata qu’il n’y avait personne. Le prisonnier enjamba le mur afin de l’escalader. En faisant cela, le jeune homme avait de plus en plus mal et se tordait de douleur. En atterrissant dans la maison, l’accueil qu’il reçut ne fut pas très chaleureux.

— Vous êtes un rôdeur ? demanda la fille qui tenait dans ses mains un couteau de boucher. Répondez-moi avant que je ne vous plante ce couteau dans le corps !

— Non, non ! Je ne suis pas un de ces monstres ! cria Lee.

— Comment puis-je en être sûre ? Avez-vous été mordu ? demanda la jeune fille qui tenait toujours son couteau d’un air assez menaçant, voyant que le type était blessé, donc mordu.

— Les rôdeurs ne parlent pas et moi, je te parle. Je m’appelle Lee et je suis blessé au front et surtout à ma jambe, ça fait un mal de chien, et… Putain, j’ai besoin de soins. Aide-moi !

— Qu’est-ce qui prouve que ce n’est pas une blessure due à une morsure de rôdeur ? Vous allez peut-être vous transformer d’ici quelques minutes.

— Je peux te promettre que ce n’est pas le cas, parce que… commença par dire Lee avant de se faire interrompre par la jeune fille.

— Vous mentez, n’est-ce pas ?

— Écoute-moi, je t’en prie. Un policier m’avait embarqué. J’étais à l’arrière du véhicule et on a eu un accident. Le type n’a pas survécu, mais moi j’ai survécu, malgré ma jambe blessée. J’ai pris les clefs pour me défaire des menottes que j’avais aux poignets et j’ai pris son arme et des munitions. C’est un Colt M1911 entre ma ceinture et ma hanche, parce que je n’ai pas de holster. Je ne vais pas l’utiliser contre toi, mais contre ces merdiers de zombies. Cela fait quelques heures que je marchais. Il faut que je me soigne avant que cette plaie ne s’infecte. As-tu un kit de secours ? finit par demander Lee.

La jeune fille resta silencieuse quelques secondes tout en fixant la jambe blessée de l’homme qui se tenait devant elle. Elle fixa également son pistolet ; mais le type avait l’air sincère.

— OK. Nous avons mieux. Ma mère est infirmière, donc nous avons tout ce qu’il faut. (Elle baisse son couteau.) D’accord. Je vous fais confiance. Entrez, je pourrais vous soigner, car à voir votre tête vous n’avez pas l’air d’un infirmier ou d’un médecin, s’exclama la jeune fille en entrant dans la salle de séjour de la maison.

— En parlant de ta mère, elle est où ? demanda Lee.

— Elle et mon frère sont partis nous récupérer quelques vivres, mais… ils ne sont pas revenus. Je voulais me lancer à leur recherche quand je vous ai vu de loin et je me suis dit que vous étiez peut-être un de ces rôdeurs qui arpentent les rues de la ville, alors je suis revenu dans ma maison par sécurité.

— D’accord, je vois, souffla Lee. Où est ton père ?

— Aucune idée, il a quitté le domicile depuis longtemps…

— Navré… Comment tu t’appelles ?

— Clémentine.

— OK, Clémentine. Tu as un kit de soins ?

— Restez ici, je vous apporte ça.

— Eh.

— Oui ?

— Tu peux me tutoyer.

— D’accord. Attends ici.

La jeune fille alla apporter un gros sac dans lequel se trouvaient plusieurs bandages et autres produits de soins d’urgence. La suture d’une plaie demandait l’utilisation d’un matériel médical adapté afin d’apporter les soins les plus appropriés dans les meilleures conditions. Clémentine referma la plaie de la jambe en réalisant des points de suture pendant que Lee tentait de ne pas crier de douleur.

— Putain, ça fait mal… Seigneur…

— C’est nécessaire. Tiens bon, j’ai quasiment terminé. (Silence.) C’est bon ! Je vais juste asperger un antiseptique, ça va… piquer un peu. Serre les dents. Prêt ?

— Ouais, vas-y franco ! (Silence.) Ah, putain, ça brûle !

— C’est nécessaire ! J’ai terminé. Je te mets maintenant une compresse et un bandage pour protéger ta plaie.

— Tu as des talents d’infirmière…

— Merci… C’est grâce à ma mère, c’est… c’était son métier. Bon. Tu dois prendre ces antibiotiques. Ils vont t’aider à ne pas avoir une infection, affirma la jeune fille en tendant une plaquette de médicament à Lee.

L’homme blessé fit un signe de la tête en guise de remerciement, puis il prit un comprimé du médicament qu’il avala avec sa salive et mit la plaquette dans la poche de son pantalon pour en reprendre une fois par jour. Clémentine rentra à nouveau dans la salle de séjour, rangea les outils dans une autre pièce, et revint vers l’homme pour discuter avec son nouvel ami :

— Je ne sais pas si tu as quelque chose de prévu, mais tu peux m’aider à rechercher ma mère et mon frère ? Je suis inquiète, et le fait de rester ici seule avec toi, sans aucune nouvelle de ma famille, c’est effrayant ; j’ai peur… Heureusement que les rôdeurs ne savent pas escalader un mur comme tu l’as fait. Cette barrière haute entoure tout le périmètre. Ne t’inquiète pas, Lee. Mes parents et mon frère… Ils voulaient que je sois en sécurité, mais je ne me sens pas à l’aise. C’est quoi un rôdeur ? Comment est-ce possible qu’ils mangent des humains ? Ils sont cannibales ? J’ai besoin de retrouver mes parents. Tu veux m’aider à retrouver mes parents ? demanda gentiment la fille qui n’entendit aucune réponse de la part de l’homme.

— Oui, je comprends, mais il faut que je dorme. C’est la nuit, on ne devrait pas sortir d’ici la nuit, ce serait trop dangereux. Je peux dormir dans un vrai lit ?

— Oui, à l’étage tu as un lit à deux places, il est confortable.

— Merci…

Clémentine le vit escalader les marches avec peine pour aller se coucher. La fille savait bien qu’il avait besoin de repos. Clémentine monta également à l’étage pour aller dans sa chambre et ferma la porte. Elle continua ce qu’elle faisait avant : du dessin. Après deux heures à manipuler ses crayons, elle se décida à aller se coucher, car il était presque minuit. Elle retira ses vêtements, garda ses sous-vêtements, et se vautra dans son lit moelleux.

Clémentine s’endormit…

*

— Oh. Je ne sais pas si je dois le réveiller. C’est le soir, il a dormi presque vingt heures.

Clémentine alla près de la grande table de la salle de séjour sur laquelle était posé un grand trousseau de clefs. Elle saisit le trousseau et le jeta sur le ventre de Lee, endormi, qui sursauta.

— Oups, désolée ! Je n’ai pas fait exprès, dit la jeune fille avec un air ironique.

— Ah… Euh… (Il s’étire.) Hmm... C’est quelle heure ?

— Ce n’est pas important. Tu as bien dormi ?

— On peut dire ça, ouais, si on oublie la partie où tu as intentionnellement jeté un trousseau de clefs pour me réveiller.

— Je ne l’ai pas fait exprès…

— Si tu le dis.

— Tu as besoin de manger. Tu as faim ?

— Oui. Tu as quoi dans le frigo ?

— Plein de choses ; mais avant ça, je dois te dire que j’ai besoin de ton aide, s’il te plaît.

— Pour faire quoi ?

— Cette question m’indique que tu n’as rien écouté de tout ce que j’ai dit hier. N’est-ce pas ?

— J’ai entendu… Euh… Je ne me souviens plus très bien…

— Bon, je t’explique à nouveau. Ma mère et mon frère ont quitté la maison tôt hier matin, mais ne sont toujours pas de retour. Je suis assez inquiète et je veux que tu m’aides à les retrouver.

— Tu veux ou tu aimerais que je t’aide à retrouver tes parents ?

— Quelle est la différence ? demanda Clémentine qui n’avait pas l’air de comprendre l’intervention que venait de faire Lee.

— Si tu VEUX que je t’aide, ça indique que tu exiges cela de moi, mais si tu AIMERAIS que je t’aide, alors c’est une demande. Est-ce que tu comprends ?

— Oh. J’aimerais que tu m’aides à les retrouver. S’il te plaît.

Lee sentit que l’arme du policier qu’il avait mis à la ceinture commençait par le déranger. Il s’en saisit à la grande surprise de la jeune fille.

— Euh, tu ne vas pas me tuer, hein ?

— Pourquoi ferais-je une chose pareille ?

— Je ne sais pas. Tout le monde semble avoir perdu la tête dans le pays alors je préfère demander. La télé n’a aucune chaîne, la radio ne fonctionne pas, alors je ne sais pas ce qui se passe dans le pays…

— Je n’ai pas perdu la tête, et bon, tu viens de me soigner ; la moindre des choses est que je te rende la pareille. Je veux bien t’aider à retrouver tes proches. Tu m’as soigné et je vais pouvoir manger. Je te remercie pour ton aide, Clémentine.

— Tu m’as l’air d’être quelqu’un de bien ; mais pourquoi étais-tu dans une voiture de police ? Qu’as-tu fait de mal ?

— Hmm. Je veux bien te le dire ; mais je préfère que tu répondes à une question avant que je te dise ce que j’ai fait.

— Laquelle ?

— Quel âge as-tu ?

— Dix-sept ans.

— D’accord. Tu es assez grande ; j’ai tué des gens. Je te promets que c’était de la légitime défense, je n’avais pas le choix. J’ai aussi fait beaucoup de délits, faux, usage de faux, et j’en passe. Je ne suis pas quelqu’un de bien à ce niveau-là, mais c’est du passé, j’ai purgé ma peine et au vu du bordel qui se passe dans la ville, je crois que la prison est inondée de rôdeurs…

— Oh. D’accord. Tu ne me tueras pas, hein ?

— Tu m’as sauvé. Pourquoi je te tuerais ? Je te protégerai. J’ai une arme et des balles dans mes poches. Ces fils de putes de rôdeurs ne peuvent rien contre le Colt 45 que j’ai volé au policier mort.

— D’accord, je comprends. Je te fais confiance. Tu peux aller dans la salle de bain à droite tout au fond du couloir. Tu devrais aussi changer tes habits ; il y a encore ceux de mon père. Je te donnerai tout ça sur le seuil de la porte. Ce sont des habits propres… et chic !

— Merci. Tu es vraiment gentille.

— Merci à toi d’être mon protecteur, Lee.

Lee avait du mal à se lever, mais il finit par le faire, puis suivit les instructions que venait de lui donner Clémentine. Après un quart d’heure, l’homme revint dans la grande pièce avec une allure beaucoup plus présentable. Il s’était même rasé pour avoir une barbe courte avec des côtés fins et bien taillés.

— La classe ! dit-elle en souriant.

— Merci. Je peux prendre un truc dans ton frigo ?

— Prends ce que tu veux.

Lee ouvrit le frigo et vit un gros sandwich. Il le prit, retira l’emballage et le dévora comme un affamé.

— Glouton ! s’écria-t-elle en rigolant.

— Il faut aussi que je boive de l’eau, je peux me servir ?

— Je te l’ai dit, prends ce que tu veux.

— Il prit une bouteille de Contrex et but à grandes gorgées.

— Ne t’étouffe pas, hein. Bon. Ma mère et mon frère sont partis vers le nord de la ville. Si nous prenons la route maintenant, nous pourrons l’atteindre avant la tombée de la nuit, expliqua Clémentine.

— OK. Allons-y, jeune fille.

— Je suis grande, j’ai dix-sept ans !

— Tu seras adulte à dix-huit ans. Donc tu es encore une petite fille, dit-il en riant pour la taquiner.

— Gnagnagna !

— Je plaisante, évidemment

L’homme tira la langue et la fille fit de même ; ils se mirent à rire, puis les deux compères décidèrent de sortir de la maison. Lee reprit son arme posée sur la table pendant que Clémentine faisait des provisions d’eau et de nourriture en les mettant dans un grand sac à dos. Une fois fait, elle mit son sac à dos, puis marcha lentement en s’adaptant à la démarche lente de Lee à cause de sa jambe blessée.

Ils sortirent de la maison ; il y avait encore un peu de soleil, mais il n’y avait pas un chat. Ils marchèrent, marchèrent et marchèrent, sans jamais rencontrer qui que ce soit. Après environ un kilomètre, Clémentine s’arrêta subitement et déclara :

— Il faut que je pisse.

— Tu peux le faire ici, je ne vais pas regarder.

— Ça me bloque quand il y a quelqu’un…

— Fais-le derrière un arbre si tu veux, mais fais attention, il peut y avoir des rôdeurs n’importe où. Il faut garder l’œil ouvert. Va derrière un arbre là-bas. (Il montre l’endroit avec un doigt.) Je surveille la zone.

— Merci, Lee. Attends-moi ici. Tu peux t’asseoir sut la route, tu auras moins mal à la jambe.

— Ouais, tu n’as pas tort. Vas-y, je t’attends ici.

Lee s’assit sur la route déserte pour reposer sa jambe qui lui faisait un peu mal. Il resta assis avec un air pensif, tandis que Clémentine revint vers lui après une minute.

— Tu m’as l’air très préoccupé, Lee, s’étonna la jeune fille. D’ailleurs, où allais-tu avant l’accident qui a causé ta blessure à la jambe ?

Lee, dans un premier temps, se leva et fit un signe de la tête à Clémentine pour qu’ils reprennent leur chemin. En attendant, il s’était dit qu’il ne pouvait pas dire à une gamine qu’il allait en prison. Il réfléchissait afin de trouver une autre réponse quand Clémentine intervint de nouveau :

— Tu cherches une fausse réponse, c’est ça ? Dis-moi la vérité.

Après avoir entendu cette dernière phrase, Lee se ravisa. Il décida donc de dire à la jeune fille la vérité :

— J’étais en route pour la prison. J’étais dans une voiture de police, dit Lee avec un ton triste.

— Qu’as-tu fait pour mériter d’aller en prison ?

— Je suis accusé d’un meurtre.

— Tu es un meurtrier ? Tu as tué qui ?

— C’est une longue histoire, Clémentine, répondit Lee qui tentait d’esquiver le sujet.

— Nous sommes en train de marcher vers le nord et cela va prendre du temps avec ta jambe blessée. Je peux t’écouter raconter ton histoire. Ne me mens pas, s’il te plaît.

— Désolé, Clémentine… OK. Je te raconte ce qui s’est passé. Il s’agit de mon beau-père ; je l’ai tué. Il y a trois ans, ma femme a été tuée et l’assassin n’a jamais été retrouvé. Mon beau-père, donc le père de ma femme, s’acharnait sur moi. Il m’accusait de l’avoir tuée. Il y a quelques mois, il était venu dans mon appartement tout saoulé avec une arme à feu dans l’intention de me tuer. Il a tiré une première balle qui s’était logée dans un mur. Il était vraiment bourré. Finalement, je me suis saisi d’un petit vase qui était posé sur ma table basse, puis je l’ai lancé sur la tête. Il est tombé et s’est cogné la tête. Je n’ai pas appelé les secours, car j’ai paniqué. Je suis sorti de la maison et j’ai cherché à me cacher. J’ai réussi cela depuis plusieurs mois, mais j’ai finalement décidé de me rendre à la police. Je ne pouvais plus et ne voulais plus vivre caché éternellement…

— Quelle histoire, c’est vraiment triste… soupira Clémentine.

— Je te l’accorde, jeune fille.

— Je crois que dans ce genre de cas, on pourrait parler de légitime défense, n’est-ce pas ? demanda-t-elle. Avec un bon avocat, tu aurais été acquitté.

— J’y avais pensé, mais je n’ai jamais cru en la justice, surtout au Nigéria. Alors, parle-moi de toi, Clémentine.

— Pas grand-chose à dire à part que je recherche ma mère et mon frère, s’exclama-t-elle.

— Et ton père ? Depuis que l’on s’est rencontré, tu ne l’as mentionné qu’une seule fois. Tu veux en parler ?

— Il n’y a rien à dire sur lui ; c’est un pauvre type. Il nous a abandonnés quand nous… commençait par dire la jeune fille avant de se faire interrompre par Lee :

— Attends, attends ! Tu entends ?

— Quoi ? demanda-t-elle.

— Des rôdeurs. Je crois qu’ils se rapprochent de nous.

— Marchons plus vite. Ils ne savent pas courir.

— Il faut que l’on rejoigne au plus tôt ta famille. Je ne peux pas aller plus vite à cause de ma jambe. Il faut combattre, affirma Lee en sortant son arme.

— Maintenant, je les entends de plus en plus. Ils viennent vers nous et ils sont nombreux !

— Reste derrière moi, ordonna Lee qui état sur le pied de guerre.

— Je peux me défendre toute seule, mon cher.

— Avec quoi ? Des cailloux ? C’est cela ? Il faut que tu restes derrière moi afin de ne pas te faire mordre.

— Je ne vais pas me faire mordre, dit-elle.

Subitement, un des monstres surgit dans le champ de vision de Lee et Clémentine. Les rôdeurs commençaient par devenir nombreux. Ils étaient maintenant quatre. Lee visa le crâne du rôdeur le plus proche et tira. Il s’écroula. Les autres, indifférents, continuaient d’avancer lentement.

— Derrière-moi, Clémentine !

— Je… Je…

Lee la saisit par le bras, la tourna brutalement afin de la mettre derrière lui. D’une seule main, le type visa et tira sur les trois rôdeurs restants qui s’écroulèrent alors que la jeune Clémentine se débattait pour se libérer de la main de Lee ; mais il était plus fort qu’elle.

— Qu’est-ce que tu fais ? Tu as envie de te faire tuer ? demanda Lee en haussant le ton.

— Pourquoi je me ferais mordre si je sais me défendre ?

— Je tiens à te rappeler que des cailloux ne pourront pas tuer ces créatures. Jette-les. Maintenant.

— Mais… Je… Je voulais juste t’aider… Pardon…

— Chut ! Baisse-toi !

— Quoi ?

— Baisse-toi, je te dis ! cria Lee.

La jeune fille s’exécuta et Lee tira sur deux rôdeurs qui venaient dans le dos de la gamine.

— Derrière ! s’écria Clémentine.

Lee se retourna rapidement et pointa son arme hasardément, mais il n’y avait pas de rôdeurs.

— Il y a quoi derrière moi ?! dit-il furieusement à la jeune fille.

— Rien. Je voulais juste te faire peur, répondit-elle en rigolant.

— Et tu trouves ça drôle ?

— Tu ne trouves pas ça drôle, toi ? demanda-t-elle. Je voulais te dire merci de m’avoir protégée. Je te fais confiance.

L’homme ne savait quoi répondre, mais il n’y avait plus de rôdeurs. Ils pouvaient donc continuer leur chemin vers le nord et rejoindre les parents de la gamine.

Sur le chemin, et durant un long moment, Lee ne dit rien. Il était silencieux au grand étonnement de Clémentine qui sentait que quelque chose n’allait pas.

— Pourquoi es-tu silencieux depuis quelques minutes ? Il y a un truc qui ne va pas ? demanda la jeune fille pleine de doutes.

Lee ne répondit pas. Il était toujours silencieux.

Puis il finit par demander :

— Tu es toujours comme ça ?

— Comment ? Je suis comment ? demanda Clémentine qui s’arrêta brusquement.

— Capricieuse. Tu sais très bien que tu ne peux pas tuer les rôdeurs avec un caillou, mais tu t’obstinais comme si tu avais raison. Je vais te dire un truc : dans cette situation, tu n’as personne d’autre sur qui compter à part moi et il va falloir que tu me fasses confiance. Il faut que tu fasses ce que je te dis de faire. Je sais que cela ne va pas être facile, mais si tu n’arrêtes pas de jouer la rebelle, je me casse. Il va falloir que tu te ressaisisses et que tu sois responsable, respectueuse, et d’arrêter de jouer la guerrière !

Pendant que Clémentine restait silencieuse, blessée par les remarques fermes de Lee, ce dernier rechargea son arme de six balles pour les futures confrontations.

— Tu te prends pour mon père, c’est ça ? Tu n’as pas à me dire ce que je dois faire. Je suis suffisamment grande pour me défendre toute seule.

— Si tu savais te défendre, pourquoi me demander de l’aide afin de retrouver tes parents ? Pourquoi me demander de l’aide si tu trouves que tu es une grande fille et que tu peux te débrouiller toute seule ? Pourquoi je suis sûr que tu ne sais pas utiliser une arme à feu ?

— Je n’ai pas besoin de ton aide. Tu peux continuer ton chemin, je vais me débrouiller toute seule, affirma Clémentine.

Lee resta figé quelques secondes en pensant à ce que venait de lui dire la gamine. Il tenta un tour de passe-passe. Il fit subitement demi-tour afin de continuer son aventure tout seul. Après avoir fait quelques pas, il entendit la voix de la jeune fille :

— Je suis désolée ! dit-elle avec une voix peu assurée.

— Quoi ? demanda l’homme qui s’arrêta et regarda Clémentine.

— J’ai dit que je suis désolée ! Tu as raison et j’ai besoin de toi pour retrouver ma famille. Pardon ! Je suis désolée, Lee ! cria-t-elle avant de laisser couler quelques larmes.

Lee se rapprocha de la fille.

— Tu sais, je trouve que tu es une fille très intelligente. Je suis sûr que dans d’autres situations, tu aurais les ressources nécessaires pour te débrouiller toute seule ; sauf que là, nous sommes dans une période hors du commun. Des rôdeurs circulent partout, ce n’est pas normal, c’est un foutoir, de la folie. Il va falloir donc se serrer les coudes si nous voulons survivre dans cette ville. On va faire un deal, finit par dire Lee.

— Un deal ? Lequel ?

— Tu protèges mes arrières et je protège tes arrières, un peu comme Batman et Wonder Woman.

— Ou comme un père et sa fille ? demanda Clémentine.

Cette remarque avait l’air de déranger étrangement Lee.

— En parlant de père, où se trouve le tien ?

— Je ne le connais pas vraiment, ou du moins, je ne l’ai presque jamais vu en vrai. Les images que j’ai de lui sont des photos récoltées çà et là, au fil des ans. Il nous a abandonnés quand je n’avais que deux ans et, depuis ce jour, nous n’avons plus eu de nouvelles de lui.

— Je suis désolé…

— Moi aussi…

Les deux continuaient de marcher tout en discutant. Après une longue distance, Clémentine vit quelque chose au loin.

— Tu vois ce que je vois ? s’étonna Clémentine.

— Qu’est-ce que tu vois ? demanda l’homme qui était occupé à voir la blessure à sa jambe.

— Une moto de dingue ! dit-elle. Attends, ta jambe pourrait te permettre de conduire ?

— Je crois que oui, je serai assis, tu seras derrière et tu placeras tes bras autour de mon ventre pour ne pas tomber. OK ?

— Oui, chef !

— Alors, rapprochons-nous en espérant qu’elle ait de l’essence et qu’elle soit fonctionnelle. Il nous faut aussi les clefs.

La moto avait l’air d’être là depuis plusieurs jours. Certainement que son propriétaire était mort et était devenu un rôdeur. Ou il l’avait carrément abandonnée. Les deux compères ne cherchaient pas plus d’informations sur le propriétaire. Le plus important était de savoir si la moto était en état de rouler… et cela s’annonçait plutôt bien !

— La clef est dedans ! s’écria Clémentine qui voyait Lee venir en boitant.

— Essaye de démarrer pour voir si elle fonctionne. Tourne la clef pendant 2 ou 3 secondes pour la démarrer.

La jeune fille s’exécuta et le moteur vrombit :

— Génial ! s’écria Clémentine.

— Vérifie le niveau d’essence !

— Il est plutôt bien au niveau de l’essence, je crois que cette moto peut nous amener très loin.

Les deux aventuriers étaient à présent sur la moto. Lee était devant et Clémentine était derrière, les mains jointes sur le ventre de son ami. Ils se dirigèrent vers le nord de la ville comme convenu. Sur le chemin, ils discutaient de tout et de rien tout en observant le paysage désert de la ville. Ils pouvaient également constater sur la voie quelques voitures ou motos abandonnées. À cela s’ajoutaient les rôdeurs qui déambulaient en plein milieu de la voie.

Après un quart d’heure de moto, ils arrivèrent là où la mère et le frère de la jeune Clémentine devaient récupérer des vivres.

— C’est bon. Je te laisse. Comme tu es avec tes parents maintenant, tu seras beaucoup plus en sécurité, dit Lee.

— Hein ? Euh, attends ! Au moins pour que je te présente ma mère et mon frère. Ils auront envie de connaître celui qui a pu m’accompagner jusqu’ici. Cela ne prendra que quelques secondes et je doute que tu aies mieux à faire. Tu pourras te ravitailler, boire de l’eau et préparer ton futur voyage, finit par dire Clémentine en entrant dans l’immeuble.

— Pas bête. D’accord, mais j’attends ici. Je t’attends.

Clémentine rentra dans l’immeuble, mais après quelques minutes, la jeune fille revint seule avec un air désemparé.

— Alors ? demanda promptement Lee.

— Je ne les ai pas retrouvés. Et pourtant, ils avaient dit qu’ils se rendaient ici. Mais où peuvent-ils bien être à cette heure-ci ?

Les deux restèrent silencieux un court instant sans savoir ce qu’ils allaient se dire. Lee finit par prendre la parole.

— Je suis désolé. Qu’allons-nous faire maintenant ? demanda Lee qui espérait entendre une solution venant de Clémentine.

— Je n’ai aucune idée. Tout ce que je savais était qu’ils venaient ici.

— Hmm. Bon, je crois qu’il y a un grand commerce un peu plus loin. Nous pouvons nous y rendre pour voir, proposa Lee afin de réconforter la jeune fille.

Clémentine monta de nouveau sur la moto, avec son compagnon de route. Moins d’une dizaine de minutes plus tard, la moto s’arrêta subitement au milieu de la voie.

— Que se passe-t-il ? demanda Clémentine.

— Je n’en ai aucune idée. Descendons pour que je vérifie.

Lee rangea la moto sur le trottoir et commença par analyser les éventuels problèmes que pouvait avoir l’engin. Il n’avait pas de connaissances poussées en mécanique ; il avait donc du mal à localiser le problème. À chaque fois que Lee ajustait un câble ou une pièce, il tentait de démarrer la bécane pour voir si elle fonctionnait à nouveau. Quelques fois, l’engin démarrait avant de s’éteindre à nouveau.

Subitement, Clémentine commença par se rapprocher de Lee.

— Que se passe-t-il ? demanda Lee qui avait senti Clémentine se rapprocher de lui. Je suis occupé, là.

— Oui, mais tu devrais regarder par toi-même.

En regardant au loin, Lee vit un groupe de rôdeurs qui avançaient à grands pas vers eux.

— Cette fois-ci, on procède comment ? Tu vas jouer à la fille têtue et commencer par ramasser une branche d’arbre en guise de katana ou tu restes derrière moi et je m’occupe d’eux ? demanda Lee.

Au même moment, les grognements des rôdeurs se rapprochaient de plus en plus et Lee venait de contrôler le nombre de balles qui lui restait dans son pistolet.

— Oh, tu me nargues ! Je te laisse l’honneur, Lee, affirma la jeune fille qui se mit derrière le gaillard.

— Sage décision.

L’homme commença à tirer dans le groupe de rôdeurs qui était déjà assez proche. Certains recevaient une balle en pleine tête et s’affalaient sur le bitume. Ceux qui recevaient des balles dans la poitrine étaient juste freinés pendant quelques secondes. La situation devenait bien plus compliquée, car l’arme à feu faisait un bruit qui attirait d’autres rôdeurs. Lee tirait et vidait le chargeur en marchant à reculons avec Clémentine. Il remplit le chargeur avec les balles dans sa poche, mais c’était une longue procédure. Il élimina encore deux rôdeurs, mais d’autres déboulaient de nulle part.

Subitement, un rôdeur ayant échappé aux balles bondit sur Lee. Ce dernier se débattait du mieux qu’il pouvait afin de ne pas se faire mordre par cette chose, mais il était bien trop fort et Lee n’avait pas un bon angle pour lui tirer dans le crâne, et ils bougeaient trop. En se débattant, Lee vit une barre de fer transpercer le crâne du rôdeur qui était agrippé à lui. Clémentine venait d’enfoncer une barre de fer au bout pointu dans le crâne de cette saloperie.

— Bien joué, Clémentine !

— Il en reste tout autour, il faut que tu fasses quelque chose !

— Reste près de moi !

Lee se releva précipitamment et tira sur les derniers rôdeurs qui étaient proches.

— Il faut qu’on aille se cacher, cria Lee qui sentait que la situation échappait à son contrôle.

Les deux couraient lentement, car la jambe de Lee lui faisait toujours mal. Les rôdeurs étaient derrière et avançaient également sans pour autant courir.

Dans leur course, ils virent une maison. Clémentine courut et toqua à la porte afin de voir si quelqu’un était à l’intérieur. Après plusieurs coups sur la porte, quelqu’un finit par ouvrir.

— Bonjour, dit Clémentine tout essoufflée. Mon père est blessé et nous sommes poursuivis par quelques rôdeurs. S’il vous plaît, aidez-nous !

La dame qui venait d’ouvrir la porte, regarda la jeune fille quelques secondes et regarda ensuite Lee qui se tenait la jambe.

— Il a été mordu ?

— Non, non, il est tombé en escaladant une barrière ! C’est moi qui l’ai soignée, je vous jure qu’il n’a aucune morsure !

— Entrez, finit-elle par dire.

— Merci, répondit précipitamment Clémentine en aidant Lee à franchir les marches d’escalier qui se trouvaient à l’entrée de la maison.

La dame referma la porte dès que les deux invités entrèrent dans la maison. Une fois à l’intérieur, Clémentine et Lee se rendirent compte qu’ils n’étaient pas les seuls à avoir demandé de l’aide à cette dame. Il y avait une douzaine d’autres personnes assises qui avaient l’air très inquiètes. Lee et Clémentine les saluaient respectueusement et cherchaient une place pour s’asseoir.

— Vous n’auriez pas dû entrer dans cette maison. Vous êtes la goutte d’eau qui va faire déborder le vase, affirma l’un des voisins de Clémentine.

— Que voulez-vous dire par là ? demanda Clémentine qui n’avait rien compris à ce que venait de dire l’homme assis à côté d’elle.

— Je crois qu’il essaye de dire que nous allons nous faire expulser, répondit Lee.

— Mais pourquoi ? demanda Clémentine d’un air surpris.

Quelques secondes plus tard, la dame qui était venue leur ouvrir quelques minutes plus tôt revint et se mit devant la petite foule assise dans la cour de la maison.

— Bon, je continue ce que je disais à tout le monde. Comme je vous le disais il y a quelques instants, il faudra que vous quittiez ma maison. Avec la présence massive qu’il y a ici, les rôdeurs ne vont pas tarder à s’agglutiner devant ma maison et je ne veux pas de cela pour mes enfants.

— Donc vous nous laissez dans la rue, livrés à nous-mêmes face à ces rôdeurs ? demanda un homme.

— Ce sera maintenant ou demain ; tout compte fait, vous serez amenés à sortir de cette maison. Et franchement, entre vous protéger et protéger mes enfants, le choix est logique, expliqua la vieille dame qui se dirigea vers le portail et l’ouvrit en attendant que ses invités sortent.

Le portail était ouvert et les invités traînaient pour sortir un par un. Subitement, un des rôdeurs quitta l’extérieur et pénétra dans la cour. Il s’agrippa à l’hôte qui referma rapidement la porte afin que d’autres monstres ne pénètrent pas dans la maison. Tout s’était passé si vite que la dame n’eut même pas le temps de se défendre. Le rôdeur l’avait déjà mordue.

Lee dégaina son pistolet à 7 coups et tua le rôdeur avant de recharger son arme.

— Ah, ça fait mal ! Eh ! Une arme à feu dans ma maison ? s’écria l’hôte. Je ne veux pas d’armes ici !

— Qu’est-ce qu’on fait d’elle ? demanda un homme.

— Ne me tuez pas, s’il vous plaît, supplia la dame contaminée par l’étrange et mystérieux virus.

Les personnes présentes dans ce grand salon se regardaient sans savoir quelle décision elles allaient prendre. Soit lui mettre une balle dans la tête, soit la laisser sortir afin qu’elle finisse sa transformation au-dehors. Lee n’eut pas le courage d’ôter définitivement la vie de la dame qui avait l’air effrayé, car elle savait ce qui l’attendait. Elle avait encore quelques heures devant elle, mais l’issue était inévitable. Lee rangea son arme dans l’arrière de son pantalon quand, brusquement, un des hommes présents dans la cour alla la lui voler. Il pointa l’arme en direction de la dame attaquée par le rôdeur et lui tira une balle en pleine tête. La dame n’eut aucune chance de survie.

— Eh, mec ! Pourquoi ?! s’écria Lee.

— Je viens de faire ce que vous tous, vous aviez peur de faire. Ne me remerciez surtout pas, dit l’homme en tendant l’arme à son propriétaire.

— Ce n’était pas à vous d’en décider, souffla Lee en récupérant son pistolet.

— Trop, c’est trop. Il faut dégager de cet endroit.

— Que celui avec une arme sorte en premier pour nous protéger afin que l’on puisse avoir une longueur d’avance sur ces créatures, proposa une dame.

— Ouais. Faisons comme ça. C’est quoi votre nom, chef ?

— Lee. Et toi ?

— Christopher. Je serai derrière toi ; c’est ta fille ?

— Non. C’est ma fille de cœur. Je la considère comme ma fille sans avoir de lien biologique avec elle.

— Vous êtes quelqu’un de bien, Lee.

— Merci, Christopher.

— Bon. Vous avez votre pistolet. Moi, je vais récupérer le vieux fusil qui traîne dans le grenier. J’espère qu’il y a plein de cartouches, je vais devoir vérifier s’il y a des boîtes. Commencez déjà à sortir et nettoyer la zone pour qu’on soit en sécurité.

Lee était content d’avoir un nouvel associé lucide. Il rechargea son pistolet et ouvrit la porte. Comme il pouvait s’en douter, quelques rôdeurs se tenaient devant ce dernier. Lee ne se fit pas prier avant de leur coller une balle entre les deux yeux à bout portant ; pour être sûr.

— Jolis tirs, Lee ! s’enthousiasma Clémentine. J’ai bien regardé et la zone est sécurisée.

— Très bien, merci. (Il recharge.) Sortez tous, un par un, sans faire de bruit, demanda Lee.

Le groupe de neuf personnes — dix en comptant Christopher qui était dans le grenier — sortit de la maison en attendant le dernier.

— Il nous faut des armes pour nous défendre, demanda une femme.

— Désolé. Je n’ai rien d’autre. Je passe devant et…

Christopher revint avec un sac à dos rempli de cartouches et un fusil de chasse, le célèbre Winchester M1897, capable de tirer six cartouches de chevrotine.

— Quelle merveille, pas vrai ? sourit-il en présentant le fusil.

— Merci, mec. Moi, je reste devant, et toi, tu restes en fin de file. Tu surveilles nos arrières.

— Je suis votre ombre. Allons-y, chef.

— On devrait aller dans un poste de police, proposa un membre du groupe.

— Où est-ce qu’on peut en trouver ? demanda Lee.

— Il y a un poste de police très proche d’ici, je connais l’endroit.

— Nous n’allons pas débarquer et demander gentiment aux flics de nous donner des armes, n’est-ce pas ? remarqua Clémentine.

— Nous devons tenter notre chance. Nous ne savons pas comment les choses vont se présenter là-bas, indiqua Lee pour rassurer Clémentine.

— C’est d’accord. Allons-y, papa.

Le groupe se mit donc en route pour rejoindre le poste de police. Lee et Clémentine marchaient devant le groupe.

— « Papa » ? Tu n’as rien trouvé de mieux à dire ? demanda Lee. 

— Tu veux que je dise quoi ? Mon ami ? Mon frère ? Mon oncle ? Tu as plus l’âge d’être mon père et c’est la seule chose qui m’est venue à l’esprit. Je n’allais pas dire « le type ».

— Pas faux, dit Lee qui boitait toujours.

— Tu as une famille, je suppose ?

— Plus maintenant. Ma femme est morte et je t’ai dit cela. Côté famille, je crois que je n’ai pas eu de chance. Étant encore enfant, mes parents sont morts dans un incendie qui a ravagé toute notre maison. Ma sœur et moi sommes toujours en vie parce que nous avons passé la nuit chez une de nos tantes. Après cela, nous avons grandi dans les maisons de nos tantes et oncles qui ne voulaient pas vraiment nous garder, du moins pas plus de quelques semaines. Je crois que celle chez qui nous avons le plus duré nous a gardés durant quatre mois et quelques jours. Très vite, ma sœur et moi avions décidé de nous débrouiller seuls, comme des grands, sauf que nous n’étions pas si grands que cela. Nous avons passé des nuits à dormir à même le sol avec des sans-abri. Le froid, les drogués, et avec tous les risques de dormir la nuit dehors. Très tôt, on a commencé par mendier afin de trouver de quoi manger. Finalement, on a réussi à s’en sortir. J’ai pu fréquenter des gens, trouver un travail correct, et tout ce qui va avec. Je me suis même marié, comme cela se devait, sauf que quatre ans plus tard, ma femme est décédée dans un accident de voiture dans lequel j’étais le conducteur. Par la suite, j’ai sombré dans l’alcool et les médocs. J’ai commis quelques délits, par ici, par là. Le plus dur était de perdre la garde de mes enfants. Les parents de ma femme n’ont pas eu du mal à m’enlever le petit garçon sous prétexte que j’étais instable. La suite, tu connais, finit par dire Lee.

La petite Clémentine était émue par une telle histoire pleine d’épreuves de vie.

— Je suis désolée pour toi. La vie est cruelle…

— Tu as raison.

— Tu es un brave homme. Par contre, avoir été alcoolique me désole, pourtant, tu as l’air d’aller bien.

— Merci pour cette remarque. As-tu quelque chose contre les alcooliques ? demanda Lee.

— Les quelques fois où ma mère nous a parlé de notre lâche de père, elle nous disait que c’était un alcoolique. Je crois que cela est à la base du fait que je n’aime pas les alcooliques. Ils me rappellent mon père et son absence. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais quand je vois un alcoolique, je me dis que mon père serait quelque part aussi en train de se saouler sans même se soucier de sa famille.

— Qu’est-ce qui prouve qu’il n’a pas arrêté de boire et qu’il n’est pas devenu quelqu’un de responsable comme moi ? demanda Lee.

— Si c’était le cas, pourquoi il n’a pas cherché à nous revoir ? Nous sommes pourtant dans la même maison, celle dans laquelle il nous a abandonnés plusieurs années plus tôt.

— Navré, Clémentine…

Un silence de quelques minutes s’installa.

— Nous sommes arrivés, s’écria un des membres du groupe.

L’immeuble dans lequel se trouvait le poste de police n’avait pas l’air d’être fonctionnel. Il semblait en ruine, ce qui était à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle est qu’ils pouvaient récupérer tranquillement des armes, mais la mauvaise nouvelle était que cet endroit pouvait également être un refuge pour les rôdeurs.

— Les deux gars armés, passés devant, dit une des dames du groupe. Les autres restent vers l’entrée ; on attend votre signal.

— Ça marche, répondit Lee. Par contre, Clémentine, tu viens avec nous deux.

— Super ! Je vous suis.

Lee et Christopher passèrent devant avec leur arme respective et Clémentine les suivit. Lee ouvrit la porte d’entrée ; il n’y avait rien d’étrange à signaler à l’accueil. En évoluant dans le bâtiment, il sentit que quelque chose n’allait pas. Plus il évoluait, plus il commençait par voir des corps sans vie de policiers. Ils étaient allongés sur le sol ou s’étaient affalés sur les bureaux. Le spectacle était macabre.

— Qui a bien pu tuer tous ces agents de police ? dit Christopher.

— Va savoir…

Lee se dirigea vers un des cadavres puis le retourna.

— Ils n’ont pas de balles dans la tête. Soit c’est une exécution, soit ils ne se sont pas encore transformés en rôdeurs. Quelque chose d’étrange s’est passé ici.

— Nous n’avons pas le temps de chercher à comprendre. Il nous faut nous diriger vers l’armurerie.

— Elle doit être au sous-sol, répondit Lee en se dirigeant vers les escaliers.

— Elle est là ! s’exclama Lee qui venait de lire sur une des pancartes « Armurerie ».

— Excellent ; et la porte est ouverte ! Prenez tout ce que vous pouvez comme armes et comme munitions. On va en avoir besoin.

Lee prit un pistolet, ainsi que quelques munitions, et demanda à Clémentine de le suivre.

— Nous allons où ? Nous ne devons pas tous rester ensemble pour nous défendre ?

— Pour le moment, le mode de défense des autres ne me concerne pas. Je veux t’apprendre à te servir d’une arme.

— Penses-tu que nous avons suffisamment de temps pour que tu puisses m’apprendre cela ? demanda Clémentine.

— Le soleil se couche déjà et nous allons probablement passer la nuit ici. On pourra utiliser ce temps pour t’apprendre quelques bases qui vont te permettre de te défendre si je ne suis pas là.

— Hein ? Tu quittes le groupe ?

— Non. Je voulais dire… si je me fais mordre…

— Oh… (Silence.) Euh… OK, Lee…

Les deux se retrouvèrent dans le stand de tir qui n’était pas loin de l’armurerie. Lee ordonna à Clémentine de placer un des casques de protection auditive et une paire de lunettes.

— Tiens cette arme, demanda Lee en tendant le pistolet à Clémentine. Maintenant, vise la cible toute à gauche. Vise la tête.

— Tu es sûr que c’est comme ça que l’on apprend à tirer ?

— Fais ce que je te dis, jeune fille, répondit Lee en souriant.

Le pistolet semblait être lourd pour la jeune fille qui avait du mal à le maintenir à une certaine hauteur.

— Tiens l’arme des deux mains. Tu n’es pas encore une professionnelle de la gâchette. Dispose tes pieds afin d’avoir de l’équilibre. Cela te permettra de mieux viser et d’atteindre avec aisance ta cible. Mais avant tout cela, tu devrais vérifier s’il est chargé.

— Oui, il est chargé, répondit Clémentine en vérifiant le pistolet.

— D’accord. Maintenant, essaye de viser et trouve la position dans laquelle tu es beaucoup plus en équilibre.

— D’accord. Je crois que là, c’est bon.

— Maintenant, charge ton arme et apprête-toi à faire feu. Enlève donc la sécurité et fais très attention. En tirant, il y a du recul, donc maintient bien l’arme dans tes deux mains.

Au même moment, près de Clémentine, Lee reproduisait les gestes afin de montrer à Clémentine comment il tirait. Au premier coup, la jeune fille rata complètement son tir.

— Contrôle ta respiration. C’est la clef. Sois calme.

— D’accord, dit Clémentine qui tenta un nouveau tir.

Celui-ci était bien meilleur que le tout premier.

Après un quart d’heure d’entraînement intense, la jeune fille savait maintenant tirer et savait recharger son pistolet. Elle n’avait pas une manipulation parfaite, mais cela pouvait lui permettre de se défendre.

— Nous pouvons nous reposer maintenant, dit Lee.

— Oui, et demain nous allons nous lancer à nouveau à la recherche de mes parents, n’est-ce pas ? demanda Clémentine.

— Je ne sais pas comment te le dire, mais je crois que… commençait par dire Lee avant de se faire interrompre par la jeune fille.

— Non. Ne dis rien. Bonne nuit, mon cher.

— Excuse-moi. Bonne nuit à toi aussi.

Les deux se couchèrent à même le sol. Les autres membres du groupe firent de même. La nuit ne fut pas paisible et l’armée de moustiques n’arrangeait guère les choses.

Au petit matin, Lee avait réussi à mieux dormir. Subitement, il fut réveillé par les cris de certains membres du groupe. Clémentine était également debout pour voir ce qui se passait. Depuis le grand hall, on pouvait entendre des coups de feu, des cris et des grognements.

— Une attaque de rôdeurs ? Comment ç’a-t-il pu arriver  ?

— On monte les escaliers ? demanda la fille.

Lee avait pris son arme et ordonna à la jeune Clémentine de prendre la sienne.

— Souviens-toi de ce que l’on a appris hier. Et surtout, si possible, vise la tête. Si aucune balle ne sort, recharge. Tu te souviens de comment le faire ?

— Oui. Allons-y !

Les deux se dirigèrent vers le hall. Chacun protégeait les arrières de l’autre et était prêt à tirer sur tout ce qui allait bouger.

Au loin, il pouvait entendre les pas de quelqu’un qui venait vers eux. Lee pointa son arme en direction de l’inconnu.

— Wow, wow, c’est moi ! Je ne suis pas un rôdeur. Ne tirez pas, dit la personne.

Lee et Clémentine baissèrent leur pistolet.

— Nous sommes attaqués. Une dizaine de rôdeurs ont réussi à entrer dans le hall du poste de police. Nous avons déjà plusieurs blessés, donc plusieurs contaminés. Soit on les tue, soit on les fout dehors.

— Et vous, vous êtes certain que vous n’êtes pas blessé ? demanda Lee.

— Oui, je suis sûr ! J’étais heureusement loin de l’entrée ! Je me dirigeais vers l’armurerie pour prendre des munitions.

— Prenez-nous-en quelques-uns pour nos pistolets.

— Compris, chef.

Une fois dans le hall, tout l’espace était recouvert de sang. Une bataille avait éclaté et les rôdeurs mordaient à pleines dents des humains, les contaminant ainsi. C’était désolant, car ces humains allaient bientôt perdre la vie et devenir des rôdeurs sanguinaires. Lee et Clémentine se mirent donc à tirer, ce qui attira l’attention des zombies qui se dirigèrent vers eux.

— Vise la tête et tire, Clémentine.

Les deux se mirent à tirer sur les rôdeurs qui s’approchaient d’eux. Lee était assez adroit et ne loupait pas les rôdeurs. Ce n’était pas le cas de Clémentine qui avait beaucoup de mal. Mais elle finit par se ressaisir et commença par achever trois rôdeurs en pleine tête. Après avoir vidé son chargeur, elle fit signe à Lee.

— Tiens mon arme. J’ai quelques balles, s’exclama Lee en lançant son pistolet à Clémentine.

Clémentine le rattrapa des deux mains et envoya le sien vide à Lee. Ce dernier attendait l’autre membre du groupe qui devait leur apporter des munitions. Subitement, un des rôdeurs s’attaqua à Lee. De toutes ses forces, il tenta de se débarrasser de ce monstre, mais c’était impossible. Il cogna la tête du rôdeur avec la crosse de l’arme, mais cela n’avait aucun effet sur le monstre.

— Clémentine, aide-moi !

— Je… Il bouge trop, je n’arrive pas à viser !

— Tire !

À bout de souffle, Lee entendit un coup de feu qui venait de transpercer le crâne du rôdeur qui se tenait au-dessus de lui. C’était le type qui était descendu à l’armurerie qui venait de lui sauver la vie.

— Merci, souffla Lee en se relevant.

— Je vous en prie, répondit le sauveur.

En regardant de plus près la personne qui venait de lui sauver la vie, Lee remarqua qu’il avait une blessure au cou. Il s’est fait contaminer et ses heures étaient ainsi comptées.

— Vous… commença par dire Lee avant de se faire interrompre par le membre qui était revenu avec quelques minutions.

Lee laissa donc cette discussion et chargea le revolver de Clémentine. Il commença alors par tirer sur les rôdeurs qui s’attroupaient autour de Clémentine. Après cinq minutes de combats bien nourris, il n’y avait plus de rôdeurs. Dans le hall, il n’y avait plus que deux personnes debout dans cette mare de cadavre.

— Nous ne sommes que cinq, maintenant, dit Clémentine d’un air inquiet.

— Oui ; bientôt quatre, dit Lee d’une voix basse.

— Vous n’avez pas besoin de le dire à voix basse. Je sais que je vais mourir dans quelques heures, assura l’homme qui avait sauvé la vie de Lee quelques minutes plus tôt.

Un grand silence s’empara de la pièce.

— Je peux vous demander un service, s’il vous plaît ? demanda l’homme en regardant Lee. Je vous en prie, pouvez-vous abréger mes souffrances ? Je ne veux pas me transformer. Tirez-moi une balle dans la tête pour que cela se termine. Tout compte fait, j’ai vécu une belle vie et je ne regrette rien. J’espère que c’est le cas pour vous tous. Car nous allons tous mourir ici.

— Je ne peux pas vous tirer dessus.

— De quoi avez-vous peur ? Vous venez de tuer sans crainte plusieurs rôdeurs, n’est-ce pas ? C’est quoi la différence entre eux et moi ? demanda-t-il.

— Écoutez, je ne peux pas. Vous êtes toujours un être humain et je ne peux pas me permettre de vous faire cela.

— Je suis condamné. Ou bien avez-vous peur que votre fille vous voie en train de faire cela ?

— Ce n’est pas… commença par dire Lee avant de se raviser. Ce n’est pas cela. Ma fille peut très bien me voir en train de tuer un rôdeur, mais je n’aimerais pas qu’elle me voie en train d’ôter la vie à un être humain.

— Vous ne commettez aucun crime et c’est moi-même qui vous le demande, et devant des témoins.

— Je ne peux pas… lui répondit Lee avant d’entendre le bruit d’un coup de feu et voir l’homme avec qui il discutait s’écrouler devant lui.

Un des membres venait d’exaucer son souhait en lui tirant une balle dans la tête.

— Je suis désolé, mais il le fallait, marmonna l’homme qui venait de tirer en soufflant sur le bout de son pistolet.

Les survivants restèrent debout sans savoir quoi se dire. À vrai dire, chacun se méfiait de l’autre et chacun se disait que l’autre aurait pu être contaminé dans cette bataille.

— On peut se tirer d’ici maintenant pour continuer la recherche de mes parents ? demanda Clémentine.

— Tu sais très bien que ce serait une perte de temps, alors pourquoi tu t’obstines dans cette recherche ? Il y a combien de chance pour que tes parents soient toujours en vie ? demanda Lee.

— Les chances sont infimes, mais je vais me lancer quand même à leur recherche ; avec ou sans toi.

— Ce sera sans moi. Pour moi, cela est une perte de temps et un gros risque que nous allons prendre. Si tu sors d’ici, où iras-tu ? Dans le centre de distribution de vivres dont je t’ai parlé, ou chez vous ? Qu’est-ce qui te prouve qu’ils ne sont pas dans un autre centre afin d’être plus en sécurité ? Il faut que tu te dises que si tes parents sont toujours en vie, vous allez finir par vous retrouver. L’essentiel pour le moment serait de rester en sécurité ici.

— Tu penses que nous sommes en sécurité ici avec tout ce qui vient de se passer ? demanda Clémentine qui prit la direction de la porte. Je vais le faire sans vous, alors, finit-elle par dire en sortant du poste de police.

— Elle a un sacré caractère, la gamine, affirma un des deux seuls survivants ayant observé la scène entre Lee et Clémentine.

— Si vous saviez…

Lee se retrouva donc « seul » dans ce poste de police, avec deux survivants. Une envie d’uriner prit l’homme qui essaya de trouver les toilettes du poste de police. Une fois dans les toilettes, il fit ses besoins quand un des rôdeurs déboula de nulle part et l’attaqua. Lee n’était plus en possession de son arme et comprit alors que se débarrasser de ce rôdeur serait une mission difficile. Heureusement, le rôdeur était un flic et avait une arme à la ceinture. Lee se débattit jusqu’à arracher l’arme à son holster. Il s’arrangea pour tirer une balle dans la tête du rôdeur qui cessa tout mouvement.

Mais le mal était fait…

Lee resta assis dans les toilettes et réfléchit à ce qui pourrait bien se passer. D’un côté, il n’avait plus rien auquel il tenait dans cette vie et mourir ne serait pas si mal. De l’autre côté, il avait envie que Clémentine, sa fille de cœur, revienne, afin qu’ils puissent continuer l’aventure ensemble. De ces deux réflexions, l’envie de vivre l’emporta.

Lee sortit des toilettes et se dirigea dans le grand hall où se trouvaient les deux autres.

— Comment vous vous appelez ? demanda Lee à l’homme qui avait exécuté un des survivants quelques minutes plus tôt.

— Boukary. Je m’appelle Boukary. Pourquoi demandez-vous cela ?

— Vous n’êtes pas Nigérian, n’est-ce pas ? demanda Lee qui se tenait le bras dans lequel se trouvait un rouleau de papier hygiénique. 

— Non, je suis Béninois, mais j’ai grandi ici donc je me considère presque comme un Nigérian.

— D’accord. J’ai un service à vous demander…

— Vous voulez que je vous tire dessus ?!

— Pas tout à fait.

— Qu’est-ce qui peut être plus complexe qu’ôter la vie d’un être humain ? demanda le jeune Boukary.

— Couper l’avant-bras d’un être humain.

— Quoi ? Mais pourquoi voulez-vous que je fasse cela ?

— Je me suis fait attaquer dans les toilettes et le rôdeur m’a mordu. Je pense que si vous me coupez le bras gauche, je ne serai pas infecté, ou moins vite, expliqua Lee en montrant sa blessure à Boukary. Je dois donc sectionner cette partie afin d’avoir une chance de survivre.

— C’est littéralement du Matthieu 5 versets 30, dit Boukary d’une voix basse. Pourquoi voulez-vous survivre ?

— Pour ma fille de cœur.

— Celle qui vient de partir ?

— Oui, répondit Lee après un long moment de silence.

Boukary regarda autour de lui et vit une hache incendie. Il alla se saisir de l’outil et s’approcha de Lee.

— On va le faire où ? demanda Boukary.

— Ici. Faites ça vite. N’hésitez pas.

Lee posa donc son bras gauche sur une surface bien plate et mordit sa main pour ne pas crier. Sans sourciller, Boukary sectionna l’avant-bras de Lee qui hurla de toutes ses forces dans sa main, la bouche serrée. Boukary prit sa propre ceinture et serra très fort le bout de bras qui restait pour contrôler l’hémorragie.

— Il vaudrait mieux le retirer après deux heures. Je vais éponger le sang et nettoyer la plaie.

— Merci…

Lee se disait tiré d’affaire une fois la partie infectée coupée. Il resta allongé sur le sol dans le but de dormir, mais le sommeil ne venait pas, tellement la douleur qu’il ressentait était intense.

Boukary lui proposa de lui donner de la morphine, mais Lee s’y opposa catégoriquement. Il choisit plutôt de se couvrir avec une des vestes de policier qu’il avait trouvé sur le sol du poste.

Le soignant retira la ceinture après deux heures écoulées, nettoya la plaie et mit un bandage. Il était en état de choc et ne se réveilla pas à cause du sang perdu. Il était très fatigué. Mais, quand il entendit une petite voix familière, il ouvrit les yeux.

— Lee, vous êtes où ?

Ne voulant pas que la petite Clémentine se rende compte de ce qui s’était passé, il enfouit le reste de son bras sectionné dans la veste qu’il portait.

— Je suis ici, répondit Lee d’une voix qui grelottait presque.

— Lee.

— Tu es revenue ? demanda Lee d’une voix faible.

— C’est une longue histoire. Que t’est-il arrivé ? Tu as l’air si pâle.

— Ce n’est pas important. Tu as pu retrouver tes parents ?

— Non, je crois que j’ai pris le chemin assez tôt et je ne connaissais pas le centre de distribution de vivres dont vous parliez. Je ne pouvais pas non plus retourner à la maison, car je n’avais pas suffisamment de balles dans mon pistolet pour me défendre en cas d’attaque, soupira la jeune fille.

— Et pourquoi as-tu mis autant de temps avant de revenir ?

— Je me suis introduite dans une maison pour manger quelque chose…

— Tu es sûre que c’est tout ? demanda Lee.

— Non, bon, je n’avais pas envie de revenir toute bredouille et admettre que tu avais raison, avoua la jeune fille en détournant son regard de celui de Lee.

Pendant la discussion, Lee devenait de plus en plus faible et n’arrivait plus à sentir certains de ses membres. Il n’arrivait plus à rien sentir. Les deux restèrent là et discutèrent de tout et de rien. Lee se mourait petit à petit et Clémentine assimilait cela à une simple fatigue.

— Il faut… Il faut que… je te dise quelque chose…

— Quoi ?

— J’ai… J’ai été mordu…

Clémentine ouvrit les yeux et mit les mains sur sa bouche, ne sachant pas quoi dire, ne sachant pas comment son père spirituel allait mourir. Clémentine fondit en larmes.

— Je crois que c’est… inévitable… Clémentine. Mais, j’aimerais comme l’autre ce matin… qu’on me tire une balle dans la tête avant que je ne devienne un de ces monstres…

— Non, non, non, cela n’arrivera pas. Tu ne vas pas mourir. Tu ne vas pas mourir, tu m’entends ? À qui veux-tu me laisser pour mourir ? À qui ? dit-elle en sanglotant.

— Je t’ai déjà donné tout… ce qu’il faut pour te défendre. Tu pourras survivre… sans moi… je le sais…

— Vous êtes tous les mêmes ! hurla Clémentine en tapotant la poitrine de Lee qui était couché sur le sol. D’abord, mon père qui nous abandonne vers mes deux ans, ensuite ma mère et mon frère qui m’abandonnent Dieu sait où… Avec toi, j’ai passé deux jours d’aventures et je me suis sentie protégée par un père spirituel et tu décides maintenant de m’abandonner ? Tu veux que je me débrouille comment dans ce monde plein de rôdeurs et de créatures horribles ? Comment veux-tu que je fasse cela ?

— Je dois dire que j’ai été content de ces moments passés ensemble… à te protéger… et à te considérer, au fond, comme ma fille. Tu es une fille formidable et… c’est vrai que tu as ton caractère bien trempé… mais tu es adorable. Tu pourras survivre encore longtemps… et avoir une meilleure et longue vie…

— Je n’ai pas besoin d’une meilleure et longue vie si toutes les personnes à qui je tiens meurent ! sanglota Clémentine.

— Hmm. Je sens que ma fin est proche, Clémentine. Tout le long de ces dernières années… je crois que tu es la meilleure chose qui me soit arrivée… J’ai profité de ces heures avec toi et je suis fier et très heureux de t’avoir connue… Tiens… ce pistolet… il doit y rester une ou deux balles. Tires-en une seule dans ma tête, que je ne me transforme pas en ces créatures.

Clémentine pleurait encore de plus belle, car ce que lui demandait son père spirituel était bien trop dur. Elle prit l’arme, se releva et tourna sur elle-même à la recherche d’une solution pouvant sauver Lee. Il y avait encore les deux survivants, mais ils étaient en retrait, car cela semblait être une discussion privée.

— Tu sais, rien ne pourra me sauver, à part une balle dans la tête.

— Tais-toi ! Je vais trouver une solution.

— Clémentine… dit Lee qui s’adossa contre le comptoir. Tu sais, dans la vie, certaines choses sont… inévitables… comme la mort. Tu ne peux pas me sauver… et personne ne pourra le faire. Fais ce que je t’ai demandé… c’est ma dernière volonté, jeune fille.

— Moi qui pensais t’entendre encore m’appeler « jeune fille » plusieurs autres fois encore, affirma Clémentine en se rapprochant de Lee les yeux embués.

La jeune fille pointa l’arme vers Lee. Ses mains tremblaient comme jamais. Lee la regardait et l’incitait à tirer cette balle. Il lui sourit comme pour dire qu’il allait mourir en paix. Clémentine finit par appuyer sur la gâchette et laissa s’envoler cette balle qui alla se loger dans le crâne de son ami, de son confident, du père qu’elle n’avait jamais eu…

La jeune fille resta longtemps assise près du cadavre de Lee et pleurait à chaudes larmes. Elle finit alors par trouver une solution pour calmer son désarroi. Cette vie allait être trop dure sans ses parents et sans Lee. Elle se mit alors dans les bras de Lee, colla le canon du pistolet sur sa propre tempe, et se tira une balle.

Ses paupières se fermèrent… à tout jamais.

« Ce n'est pas que le suicide soit toujours de la folie. Mais en général, ce n'est pas dans un accès de raison que l'on se tue. »

— François-Marie Arouet (Voltaire)