Au nom de ce chien

24 octobre 2022

Chapitre 1 : Pff, la guerre des voisins. 

C’était déjà le matin et les ronflements de la vieille voiture de monsieur Harrison réveillèrent tout le quartier, comme d’habitude. La nuit s’était bien déroulée, en tout cas pour Julie. Cela faisait quelques jours que l’adolescente de dix-sept ans n’avait plus eu une nuit complète de sommeil. Les récentes nuits, elles les passaient à s’inquiéter pour son chien qui ne faisait qu’aboyer et se tordre de douleur. Au début, la petite espagnole s’était dit que c’était juste une petite gêne qui allait passer avec le temps, mais malheureusement, ce ne fut pas le cas. Finalement, après une bonne journée dans le cabinet du vétérinaire et quelques minutes de promenade, le Berger Allemand très autoritaire était d’aplomb, non pas pour semer la terreur dans le quartier, mais pour vivre avec sa gentille maîtresse. Elle l’avait appelé Adolf, « pour rigoler », parce qu’il était autoritaire et était de race allemande. Il ne lui manquait plus qu’une petite moustache.

Julie était revenue vivre avec sa mère après une bonne année passée en Espagne auprès de son père. Les parents de Julie n’étaient plus ensemble depuis qu’elle avait douze ans, mais cela n’avait pas vraiment l’air d’affecter la jeune fille qui savait faire la part des choses. Visiblement, la mère n’était pas vraiment convaincue que sa fille allait bien. Entre son habillement gothique, son lien fort avec son chien – qui était d’ailleurs son seul ami – et ses autres comportements asociaux, la mère était inquiète, mais Julie faisait de son mieux pour rassurer sa génitrice.

Ce matin, alors que le soleil hésitait à se lever – sûrement à cause d’une grasse matinée ; il le mérite –, Julie se leva de son lit afin de se promener avec son chien. Elle portait une jupe noire courte à froufrous avec, à ses pieds, des chaussures noires à grosses semelles compensées avec des bords métalliques qui scintillaient quand le soleil posait ses rayons sur eux. Son haut n’était qu’un tee-shirt rouge et noir à col large noué au niveau du nombril, un peu comme toutes ces adolescentes stars et hystériques du moment. En guise de maquillage, la jeune fille n’avait qu’un eye-liner noir qui dépassait légèrement. Ses cheveux bruns parsemés de quelques mèches teintées en roux lui descendaient un peu plus bas que ses épaules sveltes. C'était une coupe en longues bouclettes. Elle avait une carrure très fine qui s’étendait sur un peu moins d’un mètre soixante-dix. Cependant, à l’intérieur de ce « petit corps » se trouvait une « petite fille » qui avait du répondant et qui pouvait se montrer très désagréable ; enfin, quand on lui cherchait des embrouilles.

Julie, une fois dehors, sentit les quelques rayons de soleil lui caresser le visage. Le vent entrait dans ses cheveux et les soulevait, laissant entrevoir ses tempes démunies de bouclettes. Ce même vent faisait rouler des feuilles mortes qui se frottaient aux bottes de la jeune fille. Toutes ces choses, elle les appréciait. Elle adorait être en contact avec la nature, la ressentir au fond d’elle, être avec son meilleur ami…

Après quelques minutes de marche à pas lents, Julie était à présent debout, fixant le paysage. Elle attendait impatiemment que son cabot finisse de renifler le gazon du voisin et de faire ce qu’il avait à faire.

— Vous ! dit une voix pleine de rage.

Julie fut arrachée de sa contemplation et revint à la réalité. C’était le même gars qu’hier qui était vêtu, de manière habituelle, d’un simple pantalon de pyjama à carreaux, respirant fortement, alors qu’il appuyait son bidon à bière nu sur la balustrade du porche. Il était évident que l’homme s’était précipité pour rattraper Julie avant qu’elle ne parte. Bien gros comme un porc engraissé, il se tenait à présent sous le porche de sa maison, fixant d’un regard furieux l’adolescente et son clébard. Julie ne pouvait pas sourire, car cela ne se prêtait pas vraiment à la situation. Au fond, le regard que faisait le voisin était à mourir de rire. Sourcils froncés, bouche pointue et pointée vers l’avant, tête penchée vers l’avant, les mains à la hanche ; il était hilarant. Julie se contenta de froncer ses sourcils et serra ses dents comme pour avoir un regard furieux similaire à celui que faisait Mark, le voisin.

— Ce con ne sort jamais de chez lui apparemment, se dit Julie d’une voix basse et inaudible pour le voisin furieux.

C’était probable que Mark ne sorte presque jamais et cela pouvait être le principal motif de sa forme légèrement disproportionnée, de ses rides, de sa peau qui avait l’air de cruellement manquer de soleil. Certainement qu’il avait hérité d’une grosse somme gagnée à la loterie ou a juste un boulot qui ne l’oblige pas à sortir de chez lui, mais à rester cramponné devant une télévision ou un ordinateur. Avec son allure, on pouvait dire de lui qu’il était un gamer ou juste un chômeur qui n’avait rien à faire que de glandouiller dans son canapé à longueur de journée.

— Moi ? finit par demander la jeune fille en fixant son voisin d’un regard noir comme pour lui montrer qu’elle n’allait pas se laisser faire.

— Vous êtes stupide ou vous le faites exprès ? Bien sûr que c’est à vous que je parle. Qui d’autre ? demanda le voisin en haussant le ton.

— Quoi ? demanda la jeune fille.

— Êtes-vous une idiote ? Mentalement déficiente ? insista le voisin à bout de nerfs face aux réponses de son interlocutrice.

— Quoi ? demanda à nouveau Julie, toujours aussi désinvolte.

— Vos réponses semblent indiquer que vous êtes en effet aussi stupide ou, à tout le moins, aussi lente que vous en avez l’air à voir vos habits d’adolescente décérébrée en perte de repères. Vous feriez mieux d’aller demander à vos parents de reprendre le contrôle de votre éducation, finit par dire l’homme.

— Pardon ? demanda Julie, incapable de comprendre le soudain déluge d’insultes.

— Pourrais-je savoir pourquoi vous utilisez continuellement ma pelouse comme toilette personnelle pour votre cabot ? demanda l’homme en descendant de son porche, fermant les boutons avant de son pyjama pour se rapprocher de la jeune fille.

N’appréciant guère le ton qu’employait le voisin, Adolf, contrairement à celui dont son prénom était inspiré, alla se cacher derrière sa maîtresse, fuyant ainsi un affrontement. Le voisin continua :

— Depuis quelques jours, compte tenu de votre inconscience, j’ai mis une pancarte pour vous notifier qu’ici n’est pas des toilettes pour chiens. Vous voyez, là ? pointa-t-il du doigt la pancarte. Il est écrit : « Pas de chien ici ! ». C’est pour rappeler à votre cerveau déficient que votre chien ne devrait pas faire ses besoins sur ma pelouse. Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ? finit par demander Mark.

— Bah, d’après ce que vous avez dit, mon cerveau est déficient. Je pense que vous avez la réponse à votre question. Ou était-ce juste une question rhétorique ? interrogea la jeune fille.

Le voisin était exaspéré par cette réponse. Cette dernière le foutait dans une colère noire :

— Éloignez votre sale chien de ma pelouse et que je ne l’y vois plus jamais, sinon ça risque de mal finir pour l’un d’entre nous.

— Vous n’avez pas besoin de nous pour mal finir avec tout ce que vous ingurgitez tous les jours, dit à voix basse Julie tout en faisant un léger sourire moqueur au coin de la bouche.

— Virez-moi cette chose- là, s’écria plus fort Mark.

— Eh ! s’indigna Julie. Je lui ai déjà dit de ne pas empiéter sur votre pelouse, mais c’est plus fort que lui. Je n’y peux rien s’il aime votre herbe, répondit-elle en s’accroupissant pour caresser le dos d’Adolf.

— Telle maîtresse, tel chien. Vous baignez vraiment dans la stupidité. Je ne serais pas surpris que vous ayez le même QI !

— Quoi ? Les chiens sont des créatures vraiment intelligentes, vous savez.

— Vous devez être une idiote. Vous ne vous souciez même pas de mes insultes à votre égard.

Julie haussa les épaules avant de répondre :

— Ce dont je me soucie là, c’est que vous continuiez d’insulter un pauvre chien sans défense, répondit-elle en se relevant et en s’avançant vers lui.

Près du voisin, Julie pouvait entendre sa respiration par le nez qui faisait un bruit dérangeant compte tenu de la quantité de poils qui squattait les narines de l’homme. Encore une fois, elle avait envie d’éclater de rire, mais elle s’en priva.

— Regardez ! s’exclama l’homme, pointant son index derrière Julie. Vous voyez ça ? Ce carré d’herbes ?

Julie se retourna et marcha vers un petit cercle d’herbe brunâtre.

— Ça ? demanda-t-elle en pointant du doigt.

— Ouais, ça ! C’est de votre faute.

— La mienne ? demanda Julie d’un air incrédule.

— Mon gazon, autrefois, était vert et parfait jusqu’à ce que vous commenciez à venir ici avec votre bestiole.

La jeune gothique ne manquait pas de répondant et y alla franco :

— Vous savez, monsieur, l’herbe ne devrait pas être parfaite. Il ne devrait pas sembler que chaque brin ait exactement la même forme, la même hauteur et la même couleur vert plastique. Il est naturel que la pelouse contienne différentes espèces d’herbes avec un large éventail de couleurs et de proportions. Peut-être que si vous sortiez plus souvent, vous vous en rendriez compte !

Julie regarda les joues pâles de l’homme devenir roses. Elle ne savait pas si c’était de rage ou d’embarras. Quoi qu’il en soit, la vue lui avait donnée une ruée. La jeune fille ne savait pas qu’être à la fois méchante et honnête pouvait être aussi agréable.

— Cette herbe a une couleur différente parce qu’elle est morte, imbécile ! grogna l’homme, les dents serrées comme s’il venait d’avaler un aliment acide. De la même manière que votre précieux chien le sera la prochaine fois que vous le laisserez renifler et uriner sur ne serait-ce qu’un brin de mon gazon NATURELLEMENT verdoyant !

L’homme ventripotent tourna les talons, rentra en trombe dans la maisonnette et claqua la porte derrière lui.

— Putain ! Le gros, il fait flipper, hein ? dit la jeune fille en s’adressant à son chien. Bah, n’aie pas peur. Il ne peut rien te faire. Je suis là pour te protéger des gens comme lui. Comment peut-on refuser à un si gentil « chien-chien » de s’amuser ? demanda la jeune fille, les doigts fourrés dans les poils d’Adolf.

*

Le lendemain matin, Mark s’appuya contre l’intérieur de sa porte et porta un inhalateur à sa bouche. Le simple fait de penser que ce cabot malodorant allait venir se frotter contre son gazon le mettait dans un tel état de panique, d’irritation et de peur qu’il ne pouvait plus respirer.

Il détestait vraiment, vraiment les dégâts.

Il détestait vraiment, vraiment les chiens.

Il détestait vraiment, vraiment la jeune gothique qui en amenait un tous les matins sur sa pelouse.

Mark savait qu’elle allait venir là dans quelques minutes puisque c’était son horaire habituel de promenade et d’emmerdement du voisinage.

Les yeux rivés sur l’œil de Judas, il l’attendait. Deux minutes. Cinq minutes. C’était un peu long, alors il ouvrit la porte et s’assit sur son rocking-chair sous le porche. Il prit le fusil de chasse qui se trouvait en dessous et le mit sur ses genoux pour montrer qu’il ne plaisantait pas.

Au bout d’un moment, il entendit une porte s’ouvrir au loin, celle de sa nouvelle voisine. La jeune femme stupide et son chien aussi stupide sortirent et se mirent à faire des petites foulées. Elle ne lui avait pas mis une laisse, ce qui ne le surprit pas, car ils étaient tous les deux stupides.

— Bonjour, cher voisin ! dit-elle d’un ton enjoué et un peu provocateur.

— Bonjour, marmonna-t-il en se balançant lentement d’avant en arrière sur son rocking-chair tout en fixant le cabot d’un regard plein de fureur.

— Vous allez chasser ce matin ? demanda la jeune fille qui aperçut le fusil sur la cuisse du voisin.

— Ça dépend de la situation, répondit-il en scrutant le chien qui se tenait éloigné du gazon. Vous avez envie que je chasse ce matin ?

— Cela dépend de vous. Vous avez envie de chasser ? demanda la jeune fille.

Le voisin avait toujours du mal avec les réponses décadentes de la petite Julie. Il fronça les sourcils.

— Je pense que je me ferai une joie de tirer sur un chien aux origines allemandes, répondit le voisin en prenant son arme entre les mains.

— Je vois. Bonne journée !

Mark pensait qu’il aurait pu se débarrasser d’elle facilement, mais Julie revenait avec la même loyauté qu’un chiot naïf envers son propriétaire abusif. Bien qu’elle prît ses distances, il sentait qu’elle le provoquait.

Il détestait vraiment, vraiment les provocateurs.

Chapitre 2 : Coup pour coup.

Ce matin, Julie alla promener son chien plus loin sauf que cela ne réjouissait pas Adolf qui avait une vraie attirance pour la verdure du jardin du voisin Mark. Adolf n’était pas le seul contrarié par la situation. Julie n’était pas du tout contente de se faire évincer de la sorte.

— Bah, s’il veut la guerre, il va l’obtenir. Il ne perd rien pour attendre, ce gros bouffon. On va dire qu’il mène 1-0. Il va falloir que je trouve le moyen d’égaliser, dit la jeune fille à son chien qui acquiesça.

*

Le lendemain matin, Julie s’empressa de sortir. Elle espérait être dehors bien avant son voisin, mais ce dernier était déjà là. Il avait un inhalateur en main, un fusil sur la cuisse et était en train de balloter dans son rocking-chair. La jeune fille venait de comprendre que pour égaliser, il fallait trouver une autre stratégie. Elle rentra alors chez elle. Dans sa chambre, et devant son chien, elle se posait des questions pour savoir ce qu’elle allait faire pour faire céder ce gros voisin afin que son chien puisse faire ce qu’il aimait faire. Finalement, elle réussit à trouver la brillante idée qui allait la faire égaliser.

*

Le lendemain, alors que le jour n’était pas encore totalement levé, Julie entendit des cris venant de la maison voisine. C’était Mark qui criait de tout son souffle afin de comprendre ce qui se passait. Innocemment, Julie se leva, enfila son pyjama de couleur doré puis sortit, accompagnée de son chien. Mark râlait toujours et visiblement il le faisait après des… fourmis.

— Que se passe-t-il, monsieur ? Y a-t-il un problème ? Ne pouvez-vous pas nous laisser dormir tranquillement ? demanda la jeune fille quand Adolf aboya deux fois pour se plaindre du boucan que faisait le gros monsieur.

— Quoi ? Qu’est-ce que vous me voulez ? demanda Mark encore plus furieux qu’il y a quelques instants. C’est insupportable ! ajouta-t-il.

Julie voulut demander la cause de toute cette tension, mais elle n’eut pas le temps.

— Vous y êtes pour quelque chose ? Toute cette armée de fourmis qui glisse le long de mon mur pour entrer dans ma maison, vous y êtes pour quelque chose ? demanda Mark, le regard rempli de rage. 

— Je ne suis que la maîtresse d’un Berger Allemand. Je ne suis pas la générale d’une armée de fourmis. Mais n’avez-vous pas honte de crier tout le temps sur des animaux ? Vous savez ? Si vous avez une colère intérieure qui vous travaille, vous pouvez prendre rendez-vous chez un psy afin de lui en parler. Vous en pensez quoi ? demanda la jeune fille qui se moquait ouvertement de l’homme.

— Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? Répétez un peu pour voir !

— Vous devriez vous occuper de vos fourmis. Je pense que c’est le plus urgent, dit la jeune fille en faisant deux pas en arrière.

— Et si je ne le fais pas ? demanda le voisin comme pour narguer la jeune fille.

— Bah, les piqûres. Aux dernières nouvelles, ça fait super mal. Vous allez souffrir. D’ailleurs, c’est tout ce que vous méritez ; pauvre individu qui s’en prend à des chiens, dit Julie en tournant les talons et en allant s’enfermer dans sa maison.

Mark râla encore un bon bout de temps. Peu avant le lever du soleil, il en avait fini avec les fourmis. Il allait verser les ordures dans la poubelle commune quand il vit un pot de miel vide.

— Du miel. C’est ce qui a été utilisé pour attirer cette armée de fourmis dans ma maison. Cette fille ne perd rien pour attendre, marmonna Mark.

Depuis la fenêtre de sa chambre, elle pouvait apercevoir le voisin se morfondre, car elle savait qu’elle était responsable de cette invasion de fourmis. En effet, dans la nuit, elle avait badigeonné certains coins du mur extérieur de la maisonnette du voisin avec du miel, attirant ainsi les fourmis. Après nettoyage et désinfection, plus aucun insecte ne se trouvait là.

— Adolf, ça fait 1-1, dit Julie en regardant son chien.

*

Au lever du soleil, alors qu’il avait passé une nuit très agitée, Mark n’avait pas la force de se pointer armé devant sa porte. Il ronflait dans son lit alors qu’Adolf était revenu à ses bonnes vieilles habitudes qui étaient de renifler le gazon et de pisser dessus. Il le faisait allègrement alors que sa maîtresse était assise sur le bord du jardin, regardant d’un air amusé son chien. Quelques minutes plus tard, Mark sortit de sa maison. Julie se ressaisit et se releva, sachant que Mark allait à coup sûr se mettre à crier sur elle afin de les faire dégager elle et son chien de son jardin.

— Vous êtes encore là ? demanda Mark d’un ton calme après avoir poussé un grand soupir.

Julie ne répondit pas immédiatement. Elle restait figée et se demandait pourquoi il ne s’était pas mis dans une colère noire après les avoir vus dans son jardin.

— Oui. Je vous l’ai dit, il aime bien votre gazon, finit-elle par dire.

— D’accord. Nous allons faire quelque chose. Je pense que nous sommes partis sur de mauvaises bases. Une partie du gazon est déjà pourrie alors votre chien peut s’amuser par là. Assurez-vous de ne pas empiéter sur le reste du gazon qui se trouve être en bon état, dit le voisin, tout gentiment.

Julie était toujours surprise de cette nouvelle attitude, mais cet arrangement lui convenait au mieux, alors elle l’accepta.

— Je n’ai pas toujours haï les chiens, vous savez. Ma tutrice, dans le temps, en avait un. Un Berger Allemand également, sauf que lui, il ne s’appelait pas Adolf. Il était très gentil, mais il fallait beaucoup faire attention à lui et à son alimentation. Je crois que c’est surtout à cause de cela que je n’ai plus vraiment digéré la présence de ces animaux. Tout ce soin, c’est bien trop pour moi, conclut le voisin, très gentil.

— Ah oui, c’est vrai. Vous avez pleinement raison, dit Julie tout en souriant.

Cette journée se passait bien. Julie se disait mener au score, car après sa revanche impliquant des fourmis, elle avait pu faire accepter le chien à son voisin : 1-2 pour Julie.

*

Deux jours plus tard, la jeune fille se réveilla cette fois-ci grâce aux rayons de soleil déjà ardents, mais aussi et surtout à cause d’Adolf qui vint arracher la couverture qui recouvrait son corps. Elle alla dans la cuisine prendre quelque chose à manger après avoir embrassé sa mère qui préparait déjà le petit-déjeuner. Elle et Adolf prirent la direction du jardin du voisin. Le chien se précipita dans le jardin alors que Julie restait en retrait et l’observait tout en manipulant son téléphone. Après quelques minutes, les yeux rivés sur son téléphone, la jeune fille ne sentait plus aucun mouvement au loin. C’était comme si elle était seule et qu’Adolf n’était plus là. C’est en levant les yeux qu’elle remarqua que son ami était allongé sur le gazon, la langue pendante. Elle courut vers lui et comprit qu’il avait du mal à respirer. Sa respiration saccadée et très irrégulière donnait l’impression qu’il était malade, très malade. Adolf agonisait. La jeune fille se mit à crier à l’aide en espérant que le voisin vienne l’aider. Ce dernier sortit, mais restait debout sur son porche, puis regardait sa voisine se lamenter telle une madeleine tout en criant à l’aide.

— Venez m’aider, monsieur !

— Pourquoi ? Je n’ai pas le temps pour l’instant. Revenez plus tard, dit Mark en se retournant.

— Vous ne comprenez pas ! Mon chien ne va pas bien. Je crois qu’il a eu un malaise. Je ne sais pas ce qui se passe, dit Julie, toute affolée.

— Aux dernières nouvelles, c’est vous qui en êtes la propriétaire. Je ne vois pas pourquoi je vais courir pour venir vous aider à faire quoi que ce soit. S’il pouvait mourir là, je crois que je me ferai une joie de l’enterrer sous le jardin qu’il a tué avec ses matières organiques remplies de bactéries. Bref, sa décomposition va servir d’engrais. Vous voyez un peu le schéma ? demanda l’homme avec un sourire narquois accroché sur le visage. 

— Mais venez m’aider s’il vous plaît ! supplia Julie qui se tenait à genoux près de son chien.

— Vous pouvez y arriver toute seule. D’ailleurs, une question. Si je suis en train de jouer à ma console et qu’elle se chauffe et se plante, vais-je crier pour venir vous demander de l’aide ? Non, je ne vais pas faire cela. Je vais me saisir de ma machine et aller la réparer comme un grand. Vous devriez faire pareil. Prenez votre clébard et allez le réparer, si tant est qu’il reste en vie jusqu’à ce que vous vous rendiez chez le véto, conclut le voisin en entrant pour de bon dans sa maisonnette.

En effet, sur la partie morte du gazon, il avait passé du chocolat noir, sachant très bien que ce n’était pas l’idéal à consommer pour un chien. La jeune fille porta difficilement son chien qui était très lourd et l’amena à l’intérieur de la maison. De là, la mère de la jeune fille prit sa voiture et les trois allèrent dans le cabinet du vétérinaire pour les soins. Après un bon lavage d’estomac et quelques médicaments, Adolf était de nouveau sur pattes. Plus de peur que de mal !

Cela faisait donc deux jours que la jeune fille n’avait pas dormi à la maison. Elle faisait la navette entre la maison et la clinique, mais dormait dans cette dernière pour ne pas se séparer de son meilleur ami. Une fois de retour, telle une furie, elle se dirigea vers la maison de son voisin.

Julie toqua avec fougue à la porte de Mark qui se leva difficilement pour venir l’ouvrir.

— Vous n’avez pas honte ? Vouloir empoisonner un chien qui n’a rien fait de mal ? commençait par dire la jeune fille, rouge de colère.

— Quand votre chien a empoisonné une partie de mon gazon, vous en avez parlé ? demanda le voisin. 

— Mais c’est juste de l’herbe !

— Vous devriez plus faire attention à vos cours de sciences de la vie, car les végétaux sont également des êtres vivants. Qu’est-ce qui vous fait croire que la vie de votre chien est plus importante que celle de mon gazon ? Qu’est-ce qui vous donne le droit de tuer mon gazon et à moi de ne pas tuer votre chien ? Hein ? Dites-moi ? insista Mark.

— Vous êtes un vrai malade. Pas étonnant que vous viviez seul entouré de machines, lança Julie.

— Vous êtes une vraie malade. Pas surprenant que vos parents aient divorcé quand vous n’étiez qu’une enfant. Ils en ont probablement eu marre de vous supporter, vous, votre stupidité et votre arrogance, lança à son tour Mark. 

— Je ne vous le permets pas. 

— Sinon quoi ? D’ailleurs, vous êtes sur mon territoire. Je peux me plaindre pour violation de domicile. 

— Oui, allez-y, espèce d’enfoiré ! cria la jeune fille, furieuse. D’ailleurs, avez-vous déjà eu un chien dans votre vie ? 

— Non, jamais. Je les déteste du plus profond de mes tripes, dit Mark en se tapotant le ventre pour se moquer ouvertement de son interlocutrice. 

C’était évident que la tentative d’assassinat d’Adolf était l’une des choses ayant marqué le plus la jeune fille. Cependant, le fait que Mark l’ait eu aussi facilement avec son air gentil était quelque chose qui mettait encore plus en rogne la jeune fille. Maintenant, le score était de 2-2, et à cette allure, Mark n’avait plus l’intention d’attaquer. Julie, elle, par contre, n’allait pas laisser les choses en si bon chemin. Elle devait prendre sa revanche.

*

Deux jours plus tard, plus rien. Aucun des deux adversaires n’avait eu des nouvelles l’un de l’autre. C’était une sorte de calme, mais comme la plupart des calmes, elle cachait une tempête. Assis dans le noir avec son chien, Julie réfléchissait à la manière dont elle allait s’en prendre à Mark.

— S’il n’a jamais eu de chien, comment a-t-il su pour le chocolat et les chiens ? demanda-t-elle à son chien. 

Après quelques secondes, elle reprit :

— Oui, Internet sûrement. Alors, pour un gamer, qu’est-ce qui est très important ? Qu’est-ce qui peut lui faire mal ? Penses-tu qu’Internet pourrait nous renseigner sur cela ?

Une seconde de silence plus tard...

— Ou nous allons demander à quelqu’un dans le domaine, dit Julie en se levant puis en allumant la lumière.

À la montre, il ne sonnait que vingt heures vingt-trois minutes. La jeune fille prit son téléphone et rechercha le numéro de Samirath, une bonne amie à elle qui était accro aux jeux vidéo :

— Allô, Sam, et tes vacances ?

— Bah je suis là. Devant mes écrans. Qu’est-ce que tu me veux ?

— Dis-moi, dans ta vie, qu’est-ce qui est le plus important ?

— Ma mère et mon père. Mais beaucoup plus ma mère. Mon père, des fois, il fait des choses bizarres donc… (Allez, bute-le.)

— Quoi ? Buter qui ?

— C’est dans mon jeu. Pourquoi cette question ?

— Non, je ne veux pas parler de personnes, mais de choses.

— Mes appareils, bien sûr. Toi-même, tu le sais bien, répondit la jeune fille alors que Julie entendait des claquements, certainement le bruit des manettes.

— Mais je ne peux pas aller voler ses jeux, dit presque silencieusement la jeune fille.

— Quoi ?

— À part tes appareils, il n’y a rien d’autre ?

— Oui, mes sauvegardes. Je tuerais si je les perdais. 

— Oui, les sauvegardes, dit Julie en raccrochant aussitôt sans aucune forme de courtoisie.

Elle venait de trouver la clef qui allait lui permettre de reprendre l’avantage au score. Elle fit appel à un autre ami qui savait s’y prendre en informatique. Ce dernier entra dans le réseau sans fil de Mark et eut accès à son ordinateur. Avant de supprimer les sauvegardes des jeux de Mark, le pirate demanda à la jeune fille si elle était sûre de ce qu’elle voulait faire. Julie, se remémorant tout ce que son chien avait subi par la faute de cet homme, accepta. L’adolescente s’imaginait qu’après le piratage, Mark allait se mettre à crier, mais ce ne fut pas le cas. Il fallut attendre le lendemain pour entendre Mark se mettre à tout casser. Julie savait que son plan de la veille avait fait effet et en rigolait. À présent, elle avait repris l’avantage : 2-3 !

La crise de l’homme dodu dura des heures. Pour une fois, Julie sortit et s’assit tranquillement sur l’escalier en face de sa porte. Pour l’une des rares fois, Adolf avait une laisse au cou et se tenait tranquillement près de sa maîtresse. Les deux regardaient Mark gambader dans tous les sens comme un porc affolé. Il s’arrêtait à certains moments puis fixait étrangement Julie avant de continuer de hurler. La jeune fille ne pouvait pas comprendre clairement la peine que ressentait l’homme. C’était plusieurs semaines de données, plusieurs niveaux déverrouillés qui venaient de tomber à l’eau sans qu’il ne sache pourquoi ni comment. Mark ne pensait pas que ce coup pouvait venir de la jeune fille, car visiblement, elle n’avait pas l’air de s’y connaître en jeux ou en informatique. Mais qui aurait bien pu lui faire ce coup ?

*

Deux semaines plus tard, les choses étaient plus calmes. La jeune fille n’avait plus droit à la fureur de Mark. Adolf et elle n’allaient plus sur son gazon en échange. Les deux parties étaient dans une sorte de trêve. Sachant qu’elle menait au score, Julie avait envie d’agiter le drapeau blanc et ne plus faire la guerre à son voisin.

Mark avait eu tout le temps de mener sa petite enquête afin de savoir ce qui s’était passé. La signature numérique du pirate et ses quelques traces lui avaient permis de savoir qui, mais aussi l’endroit où le coup avait été fait. Avec la nouvelle attitude dépourvue de provocation qu’arborait Julie, il n’en fallut pas plus à Mark pour deviner que c’était la jeune fille qui avait été le chef d’orchestre de cette ignominie à son égard. Il fallait se venger.

— Elle veut jouer, alors nous allons jouer.

Mark avait l’intention de s’en prendre à Julie là où ça allait lui faire mal. Allongé dans son vieux canapé tout plein de poux, l’homme réfléchissait. Il fallait soit s’en prendre à son chien ou à sa famille. C’était soit l’un ou l’autre. C’était ces deux choses qui pouvaient lui faire mal et lui faire ressentir tout ce qu’il avait pu ressentir quand il a compris que toutes ses sauvegardes avaient été nettoyées.

— Famille ? Chien ? Famille ? Chien ? Chien ? Famille ? répéta l’homme avant de finir par se décider.

Chapitre 3 : Jusqu’à la mort… 

Après de nombreuses minutes à méditer sur ce qu’il allait faire, Mark trouva finalement la solution. Le lendemain matin, c’était le début du week-end. De sa pièce principale, à travers la grille qui lui servait de seconde porte, Mark entrevoyait Julie et sa mère assises sous le porche de leur maison, riant aux éclats comme si de rien n’était. Le chien n’était pas très loin d’elles. L’homme célibataire alla donc rapidement s’habiller puis mit certaines de ses affaires dans une valise. Il sortit la valise et la petite famille était toujours là, avec leurs fous rires qui gênaient outrageusement Mark.

— Monsieur James, vous partez en voyage ? demanda la mère de Julie qui n’était pas au courant du lot de contentieux entre sa fille et lui.

Mark ne répondit pas, prenant cette question pour une sorte de provocation. Il se disait que la mère de la jeune fille était au courant de ce qui se passait entre lui et sa fille. Néanmoins, la maman insista sur sa question. 

— Oui, je vais rapidement faire un voyage. Je reviens demain si tout va bien, répondit-il en faisant signe à un taxi qui s’arrêta aussitôt.

Le soir de ce jour, alors que Julie et sa mère s’apprêtaient à dormir, elles commençaient par sentir, venant de l’extérieur, une odeur assez nauséabonde à en boucher le nez. Julie sortit de sa chambre afin de voir ce qui pouvait dégager une telle puanteur. À sa grande surprise, elle vit l’horreur. Des œufs pourris écrasés par dizaine sous le porche et répandus sur le mur ainsi que sur les fenêtres. Des volailles pourries jetées en même temps sous ce porche, sur la devanture de la maison ainsi que dans la petite allée se trouvant sur le côté de la maison. C’était infect et totalement irrespirable !

— Mais qu’est-ce qui s’est passé ici ?

C’était là la première question de la maman de Julie qui n’avait aucune idée de ce qui s’était passé. Par contre, sa fille, en guerre contre le voisin, avait une idée de ce qui a pu se passer. Le seul problème était que son voisin n’était pas là quand tout ceci s’était déroulé. Julie était confuse. D’un côté, rien n’accusait Mark d’avoir fait ce coup, mais de l’autre, son voyage était peut-être un prétexte pour ne pas subir les retombées de son coup. Julie ne savait donc plus quoi penser. Elle restait là, debout, masque au nez, gants aux mains, prête à nettoyer tout ceci sans savoir si ça allait partir ou pas. Il fallait frotter, frotter et encore frotter. Après cinq bonnes heures de travail, ce mélange d’odeur persistait toujours au grand désarroi de la mère et de sa fille. Il fallait donc faire appel à des spécialistes pour faire le nettoyage. 

Alors que lesdits spécialistes faisaient leur boulot, Mark revenait de son voyage. Il salua la mère de Julie, ignorant royalement la jeune fille, ce qui ne manquait pas d’étonner la mère de cette dernière.

— Que se passe-t-il entre le voisin et toi ? demanda la mère qui, depuis quelques jours, avait constaté certaines choses, mais avait préféré se taire.

— Quoi ? Mais que veux-tu dire ? Il ne se passe rien entre nous. Qu’est-ce que tu vas t’imaginer ? demanda la jeune fille, tout à coup très nerveuse.

— Il vient de passer devant nous et t’a ignoré comme si tu n’étais pas là. Tu es certaine qu’il n’y a pas de conflits entre vous ? Et tu es sûre que tu ne me caches rien ? demanda la mère.

— Non, maman. Je ne te cache rien. Pourquoi vais-je te cacher quelque chose ?

— Je ne sais pas. Je vis dans ce quartier depuis plusieurs années et jamais je n’ai subi ce genre de choses. D’ailleurs, je ne vois pas qui prendrait l’initiative de jeter des saletés sur ma maison. Depuis que tu es ici, as-tu vu des gens se disputer avec moi ? M’as-tu vu provoquer des gens ? Non, je ne le fais pas. Je me respecte et donc j’évite d’attiser la colère des gens. Alors, dis-moi ; regarde-moi droit dans les yeux puis dis-moi que tu n’as rien à voir avec cette sale histoire, finit par demander la mère. 

Julie ne pouvait pas dire la vérité ou du moins sa fierté et son égo le lui interdisaient. En ce moment, si c’était réellement Mark qui avait fait le coup, le score serait de 3-3 et le match ne pouvait pas se terminer de la sorte. Il fallait qu’elle prenne l’avantage. En racontant la vérité à sa mère, cette dernière chercherait un terrain d’entente, un moyen de faire cesser le feu. Cependant, pour la jeune fille, cette guerre devait aller jusqu’au bout et avoir un vainqueur ; c’est-à-dire elle. 

— Non, maman. Je n’ai rien à voir avec cette histoire. Je suis sûre que c’est un regrettable malentendu. Tu as déjà porté plainte et la police va se mettre à la recherche des individus qui ont fait cela. Tu ne devrais plus t’inquiéter, maman, ajouta la jeune fille de tout son sérieux. 

La mère était quelque peu rassurée. La jeune fille de son côté réfléchissait déjà à la nouvelle attaque qu’elle allait perpétrer à l’encontre de Mark. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien faire encore ? Brûler sa maison ? L’agresser physiquement ? 

*

Dix jours après cette « attaque nauséabonde », la paix n’était toujours pas revenue. Mark et Julie étaient toujours en guerre et personne n’osait s’approcher du territoire de l’autre. C’est donc dans ce moment d’accalmie que Julie décida de marquer le point qui allait lui permettre de prendre l’avantage au score. 

Ce matin, la jeune fille était dans sa chambre quand elle entendit quelqu’un toquer à la porte de leur maison. Il s’agissait d’un homme Noir, grand, chauve et très bien baraqué. Il était accompagné de sa coéquipière qui était une belle dame brune avec également une grande taille. Les deux étaient vêtus de l’uniforme des policiers de la ville. Les policiers devaient discuter avec sa mère de la plainte qu’elle avait déposée et surtout de l’avancement de l’enquête. C’est en ce moment que la jeune fille eut une idée. Après une bonne quinzaine de minutes, les policiers avaient fini de discuter avec la mère de Julie. La mère sortit ensuite, car elle avait d’autres courses à faire. Julie décida alors de mettre son plan à exécution. 

Les deux policiers étaient dans leur voiture de patrouille devant la maison en train de discuter quand, Julie sortit discrètement avec un air apeuré. Elle regardait autour d’elle comme si quelqu’un la persécutait et voulait lui faire du mal. Elle jetait des coups d’œil réguliers à la maison de Mark comme si le danger venait de là-bas. Depuis la voiture, la policière aperçut la jeune fille ainsi que son comportement suspect. 

— Eh, jeune fille. Tout va bien ? demanda-t-elle quand Julie entra précipitamment dans sa maison puis claqua la porte derrière elle. 

La jeune policière, sachant que quelque chose n’allait pas, sortit de la voiture avec son coéquipier. Les deux se mirent à toquer à la porte. 

— Petite, tu peux nous ouvrir s’il te plaît ? On aimerait bien discuter avec toi quelques minutes, dit la policière. 

— Je ne veux pas discuter. Discuter entre vous là-bas. Il va s’attaquer à moi, répondit la jeune Julie depuis l’intérieur avec une voix effrayée. 

— C’est plutôt avec toi que nous aimerions discuter, jeune fille. Qu’est-ce que tu en penses ? Tu nous ouvres s’il te plaît ? demanda la policière. 

Après quelques secondes d’hésitation, la jeune fille finit par ouvrir. 

— Que se passe-t-il, jeune fille ? Tu as des soucis ? demanda le jeune homme. 

— Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? demanda Julie. 

— Ton attitude. Comment est-ce qu’on t’appelle ? demanda la policière. 

— Julie. 

— Alors, Julie, tu veux bien nous parler de ce qui se passe ? Tu peux nous faire confiance. Ou bien rien ne se passe ? demanda la policière. 

— Si. Mais je veux juste parler avec vous. Pas au monsieur, insista Julie. 

La policière invita donc le policier à l’attendre dans la voiture le temps qu’elle discute avec Julie en toute tranquillité. Une fois le policier à l’extérieur, la jeune fille se mit à se confesser à la dame. 

— Que se passe-t-il, Julie ? Raconte-moi tout. Est-ce ta mère ? 

— Non, ma mère n’y est pour rien. Ce que je veux vous dire, elle n’est même pas au courant de cela. J’ai peur de sa réaction donc je ne sais pas comment le lui dire. 

— Que se passe-t-il ? 

— Le voisin. C’est lui. Il me persécute, il me fait peur. Depuis quelques semaines, je ne me sens plus en sécurité. Il fait des choses, me menace pour un rien. Je ne sais pas comment faire. Il me fait peur. 

— Quoi ? Il t’a fait du mal ? demanda l’officière. 

— Cela dépend de ce que vous mettez dans « fait du mal », dit la jeune fille qui commençait par pleurer. Il a failli tuer mon chien la dernière fois. Il a fallu une intervention pour qu’il s’en sorte. C’est le seul véritable ami que j’ai et il a voulu me l’arracher au nom d’une obsession qu’il développe vis-à-vis de ma personne. Je dois vous dire que j’ai peur et je ne me sens pas en sécurité ici avec cet homme comme voisin. J’ai peur qu’un jour il décide de me tuer, avoua la jeune fille en s’agrippant à l’officière qui la prit en pitié. 

— Nous allons lui rendre une petite visite. Crois-moi, il ne va plus rien te faire, rassura l’inspectrice. 

Cette dernière se leva donc et se dirigea vers la sortie. Après quelques minutes de discussion avec son coéquipier, les deux décidèrent d’aller poser quelques questions au voisin « trop insistant ». Devant la porte, ils toquaient une première fois, une deuxième fois, une troisième fois sans réponse. Après quelques secondes, l’homme finit par leur ouvrir avec le sourire aux lèvres. Les policiers ne croyaient pas par contre à sa gentillesse compte tenu de tout ce que la jeune fille leur avait raconté il y a quelques minutes. 

Une fois assis à l’intérieur, la policière commençait par poser des questions à Mark. Après qu’elle ait raconté à l’homme ce que lui avait dit Julie, ce dernier eut du mal à respirer. Il avait le souffle coupé et tentait tant bien que mal d’appeler à l’aide. Le policier appela de toute urgence une ambulance. 

Julie, au loin, ne comprit rien à ce qui se passait. Elle s’attendait à ce que Mark soit interpellé par les policiers et que ces derniers lui fassent une petite frayeur. À défaut de cela, c’était une ambulance qui était là. Sur un brancard, Julie pouvait apercevoir Mark qui avait l’air inerte et mis sous oxygène. La jeune fille se précipita alors vers la policière qui lui raconta ce qui s’était passé. Elle était à présent confuse et un sentiment de honte commençait à naître en elle. Cette guerre était allée bien trop loin. Au nom de son chien, elle avait mis en danger la vie de son voisin. À cause d’elle, ce dernier était à présent entre la vie et la mort. 

Dès que la maman de Julie rentra le soir, Julie lui raconta tout ce qui s’était passé depuis le début. Elle lui dit tout à propos du conflit entre elle et le voisin. 

— Tu devrais aller prendre des nouvelles du voisin. Tu dois également t’excuser pour tout ce qui s’est passé après avoir dit la vérité à la police bien sûr. Cet homme n’a fait que riposter à toutes tes provocations. Tu es ma fille, mais je ne peux pas te soutenir quand tu te baignes dans le faux. Il faut que tu répares tes erreurs, dit sagement la mère.

*

Le lendemain, Julie se rendit à l’hôpital afin de présenter ses excuses comme l’avait suggérée sa mère. Elle était réellement désolée de tout ce qui s’était passé. 

— Monsieur ? C'est moi. Je suis désolée de tout ce qui s’est passé entre nous et de tout ce que je vous ai fait subir. Mon chien ne peut pas parler, sinon, il vous dirait également qu’il est désolé que les choses en soient arrivées à ce niveau, dit Julie. 

Mark, allongé sur son lit d’hôpital, regardait étrangement la fille. 

— Je suis également désolé. Enfin, je crois. J’aurais dû trouver une manière plus normale de te dire que je ne voulais pas de ton chien dans mon jardin. Et ne pense surtout pas que parce que nous nous sommes fait des excuses, je vais laisser ton chien anéantir le reste de mon gazon, dit-il en souriant. 

— Je pensais justement l’amener demain afin qu’il puisse s’amuser. Une autre fois, alors, dit Julie en lui renvoyant son sourire.

Les deux n’étaient pas devenus les meilleurs amis du monde, mais ils commençaient par se respecter en bons voisins. Au nom de ce chien, plus aucun conflit n’aura lieu, s’étaient-ils promis.