Contrôle de routine
1er juillet 2018
Illustration par Kura Kaminari

Au cœur d’une matinée printanière, la rue du Rhône à Genève, ce ruban d’opulence bordé de vitrines étincelantes, bruissait sous le passage incessant des voitures et des piétons. Parmi les véhicules qui sillonnaient cette artère prestigieuse, une Chevrolet Impala, modèle vintage aux lignes imposantes et au charme rétro, s’immobilisa avec une précision calculée au bord du trottoir. Son moteur ronronna un instant avant de s’éteindre dans un soupir métallique.
Quelques minutes s’écoulèrent avant que la portière ne s’ouvre. Un homme en descendit, sa silhouette élégante se détachant dans le tumulte ambiant. Il contourna le véhicule et ouvrit le coffre avec une gestuelle mesurée. De l’intérieur, il extirpa une gibecière qu’il ajusta en bandoulière d’un geste précis. Puis, refermant le coffre d’un coup sec, il se redressa pour scruter les environs. Mais son regard glissa sans s’attarder sur les vitrines somptueuses ni sur les passants vêtus avec une sophistication ostentatoire.
Cet homme, c’était Fakhri Öztürk.
Fakhri portait un costume Versace d’une élégance rare, où le raffinement italien se mêlait à des accents baroques français. Sa veste à boutonnage droit, ornée de revers crantés et doublée de toile sur la moitié, témoignait d’un goût irréprochable. Avec un soin presque cérémonial, il épousseta le tissu avant de plonger ses mains dans les poches d’un jean en denim indigo rehaussé de coutures dorées. Ses pas l’entraînèrent sur les bas-côtés de la rue jusqu’à la place Longemalle, son esprit absorbé par le souvenir précis du lieu où il avait rendez-vous.
La place Longemalle offrait un contraste saisissant entre l’effervescence moderne et le charme intemporel des bâtisses historiques. Là-bas trônait l’Hôtel de la Cigogne, un sanctuaire de luxe niché entre le lac Léman et la vieille ville. Ce lieu était une ode à l’élégance, où chaque détail – des boiseries anciennes aux fauteuils capitonnés – semblait murmurer des récits d’un passé glorieux.
Fakhri franchit les portes de l’hôtel et fut immédiatement enveloppé par l’atmosphère feutrée qui régnait dans le hall. Le crépitement du feu dans la cheminée ajoutait une chaleur presque hypnotique à l’ensemble. Sans perdre de temps, il prit l’ascenseur et disparut dans les étages supérieurs.
---
Un peu plus tard, l’homme réapparut à proximité de sa Chevrolet Impala. Il marchait avec une femme visiblement éméchée qu’il installa délicatement sur la banquette arrière du véhicule. Puis il ouvrit à nouveau le coffre pour y déposer sa gibecière avant de reprendre place au volant. À quelques mètres de là, un policier en patrouille observait la scène avec un mélange de curiosité et de méfiance.
Claude Colburn était un agent consciencieux, connu pour son sens aigu de la justice. En voyant cet homme au comportement étrange – sa plaque d’immatriculation partiellement masquée par un crochet d’attelage et son téléphone vissé à l’oreille même après être monté dans le véhicule –, Claude sentit monter en lui l’impératif moral d’intervenir. Bien que ces infractions puissent paraître mineures aux yeux de ses collègues souvent laxistes, Claude croyait fermement en sa devise : *« Dura lex sed lex »* – La loi est dure, mais c’est la loi.
— Benoît ! cria-t-il à son collègue posté près d’un scooter garé non loin. Suis cette limousine beige ! On va lui faire un contrôle de routine.
— Qu’est-ce qui te fait penser qu’il y a anguille sous roche ? répondit Benoît en démarrant.
— Sa tête ne me revient pas. Mets-toi à sa hauteur et observe ce qu’il fait pendant qu’il conduit.
---
Quelques minutes plus tard, la Chevrolet Impala s’arrêta sur le bord d’une route large et dégagée. Benoît immobilisa son scooter juste à côté tandis que Claude s’approchait calmement du véhicule. La vitre côté conducteur était déjà baissée lorsque Claude entama la conversation.
— Bonjour, monsieur.
— Bonjour… répondit Fakhri avec une pointe d’agacement masqué.
— Vous savez pourquoi je vous arrête ? demanda Claude sur un ton neutre mais ferme.
— Ouais… j’ai ma petite idée…
Claude esquissa un sourire avant de poursuivre :
— Téléphoner au volant est interdit en Suisse. Vous êtes au courant ?
— Oui… mais je raccompagne une amie qui a trop bu… Sa mère m’a appelé… Je n’avais pas vraiment le choix…
Claude jeta un regard vers la femme endormie sur la banquette arrière avant de répliquer :
— Vous savez qu’il existe des kits mains libres ? Et votre amie là-bas… attachée comme ça… En cas d’accident, c’est n’importe quoi.
Fakhri tenta maladroitement de se justifier :
— Je sais bien… mais…
— Papiers du véhicule, s’il vous plaît : carte grise, certificat d’assurance et permis de conduire.
Fakhri acquiesça avant de sortir lentement du véhicule pour éviter tout bruit susceptible de réveiller son passager alcoolisé. Il extirpa un porte-monnaie luxueux en cuir grainé orné d’un clou Medusa au centre – une pièce aussi sophistiquée que son propriétaire – avant de remettre les documents demandés à Claude.
En ouvrant le porte-monnaie, les multiples compartiments se dévoilèrent avec une précision presque géométrique, révélant un agencement méticuleux pour cartes et billets. Parmi ces fentes, une liasse épaisse de billets de deux cents euros trônait, soigneusement alignée, comme une promesse silencieuse d’opulence. Claude, attentif à chaque détail, échangea un regard furtif avec Benoît, levant un sourcil en guise de signal implicite.
— Voilà ma carte grise, monsieur, déclara Fakhri avec assurance, tendant le document d’une main ferme.
Claude saisit la carte et entreprit de vérifier scrupuleusement sa validité. Pendant ce temps, Benoît s’éloigna légèrement pour inspecter visuellement la Chevrolet Impala. La voiture, malgré son charme vintage, portait les stigmates du temps : pare-brise fissuré, pneus usés jusqu’à la corde. Elle semblait avoir traversé bien des épreuves sans jamais recevoir les soins qu’elle méritait.
— Et voici mon permis, ajouta Fakhri en tendant le second document.
Claude le prit et l’examina minutieusement. Tout semblait en ordre, mais son regard s’attarda sur un détail inattendu : la montre que portait Fakhri à son poignet. Une Breitling étincelante captait la lumière du soleil avec une insolence presque provocante.
— Jolie montre, fit remarquer Claude d’un ton neutre.
— Quoi donc ? répondit Fakhri, feignant l’ignorance.
— Votre Breitling. Elle est impressionnante.
— Ah ! Oui… Merci. C’est un cadeau de mon père pour mes vingt-sept ans.
Claude esquissa un sourire ironique avant de répliquer :
— Un petit cadeau ! Chez nous, les petits cadeaux ressemblent plutôt à une boîte de chocolats ou une paire de pantoufles. Pas une Breitling.
Benoît interrompit leur échange en revenant vers eux :
— Il faudrait penser à changer de voiture. Franchement… elle fait peine à voir.
Fakhri haussa les épaules avec une nonchalance calculée :
— Je sais bien… Mais ma montre vaut quatre à cinq mille euros. C’est la seule chose de valeur que je possède.
Benoît renchérit avec un éclat sarcastique :
— Ah… cinq mille euros ? Et votre costume ? Il me semble qu’il sort tout droit d’un défilé de haute couture.
— Non… C’est du prêt-à-porter d’entrée de gamme, répondit Fakhri en détournant légèrement le regard.
Claude reprit la conversation avec un ton plus sérieux :
— Où est votre papier d’assurance ?
Fakhri hésita un instant avant de répondre :
— Il n’est pas sur moi… Il doit être dans la boîte à gants. Est-ce que je peux…
— Allez-y, acquiesça Claude sans détourner son regard perçant.
Fakhri ouvrit lentement la portière et fouilla dans la boîte à gants avec une concentration presque exagérée. Pendant ce temps-là, Claude fit un geste discret à Benoît en tapotant son nez avec l’index et le majeur – un signal codé qui traduisait ses soupçons croissants. Benoît acquiesça imperceptiblement avant de se repositionner près du véhicule.
Après quelques instants de recherche, Fakhri brandit le document tant attendu :
— Ça y est ! Tenez… C’est celui-là.
Claude prit le papier et l’examina rapidement avant de relever la tête vers Fakhri :
— Et votre copine ? Elle dort toujours ?
Fakhri répondit avec une nervosité palpable :
— Oui… Oui, elle dort encore. Tout va bien.
Benoît ne put s’empêcher d’ajouter avec une pointe d’ironie :
— Dis donc ! Elle a le sommeil lourd votre copine !
Fakhri tenta de plaisanter pour détourner l’attention :
— Heureusement pour ma banquette !
Benoît secoua la tête avant de lâcher dans un soupir :
— Je ne comprends pas… Une montre à cinq mille euros au poignet et vous roulez dans une voiture dans cet état ? Pare-brise fêlé, pneus usés jusqu’à l’os… Et le contrôle technique ? Il est dépassé ?
Fakhri baissa légèrement les yeux avant d’admettre à contrecœur :
— Oui… Je remets toujours ça au lendemain…
Claude intervint sans détourner son regard perçant :
— Cent trente-cinq euros pour le contrôle technique. Et rajoutez cent trente-cinq euros et trente points pour le téléphone au volant. Ça commence à faire cher tout ça, non ?
Fakhri passa nerveusement une main sur son visage avant de murmurer :
— Oui… Je sais bien… Ça commence à faire cher…
Claude se pencha légèrement vers lui et posa la question fatidique :
— Vous êtes connu des services de police ?
Fakhri releva brusquement la tête et répondit avec fermeté :
— Non, monsieur. Absolument pas.
Fakhri referma doucement la portière de la Chevrolet Impala, le claquement feutré du métal résonnant à peine dans l’air printanier. Avec une nonchalance calculée, il glissa une main dans la poche de son pantalon en denim indigo, en sortant un porte-monnaie en cuir grainé. L’objet, à deux volets verticaux, était orné de motifs perforés et d’un clou Medusa au centre, encerclé de rangées de clous et rehaussé d’une bordure Greek Key en relief. Un accessoire qui, à lui seul, semblait crier richesse et raffinement.
En ouvrant le portefeuille, ses compartiments parfaitement agencés révélèrent une liasse épaisse de billets de deux cents euros soigneusement rangée dans l’une des fentes. Ce détail n’échappa pas à Claude, dont les yeux s’attardèrent brièvement sur cette démonstration silencieuse d’opulence. Il échangea un regard significatif avec Benoît, levant un sourcil comme pour signaler un soupçon naissant.
— Voilà ma carte grise, monsieur, déclara Fakhri avec une assurance polie en tendant le document.
Claude prit la carte et l’examina minutieusement, ses yeux scrutant chaque détail avec la précision d’un horloger. Pendant ce temps, Benoît s’éloigna légèrement pour inspecter la voiture. La Chevrolet Impala, malgré son allure imposante et ses lignes classiques, portait les marques évidentes d’un entretien négligé : pare-brise fissuré, pneus usés jusqu’à la corde. Elle semblait être un paradoxe roulant face à l’élégance ostentatoire de son propriétaire.
— Et mon permis, ajouta Fakhri en tendant le second document.
Claude le saisit sans un mot et poursuivit son examen. Tout semblait en ordre au premier coup d’œil, mais un détail retint son attention : la montre que portait Fakhri. Une Breitling étincelante ornait son poignet, captant la lumière comme un joyau.
— Jolie montre, fit remarquer Claude d’un ton neutre mais chargé d’une curiosité latente.
— Quoi donc ? répondit Fakhri avec une pointe de surprise feinte.
— Votre Breitling. Elle est impressionnante.
Fakhri esquissa un sourire avant de répondre :
— Ah ! Oui… Merci. C’est un cadeau de mon père pour mes vingt-sept ans.
Claude haussa légèrement les sourcils avant de répliquer avec une ironie mordante :
— Un petit cadeau ! Chez nous, les petits cadeaux ressemblent plutôt à une boîte de chocolats ou une paire de pantoufles. Pas une Breitling.
Benoît revint à cet instant précis et lança avec un soupir moqueur :
— Il faudrait penser à changer de bagnole. Franchement… elle fait peine à voir.
Fakhri haussa les épaules avec nonchalance :
— Je sais bien… Mais ma montre vaut quatre ou cinq mille euros. C’est la seule chose de valeur que je possède.
Benoît éclata d’un rire bref et sarcastique :
— Ah… cinq mille euros ? Et votre costume ? Il me semble qu’il sort tout droit d’un défilé de haute couture.
Fakhri secoua légèrement la tête avant de répondre :
— Non… C’est du prêt-à-porter d’entrée de gamme.
Claude reprit aussitôt sur un ton plus sérieux :
— Où est votre papier d’assurance ?
Fakhri hésita légèrement avant de répondre :
— Il n’est pas sur moi… Il doit être dans la boîte à gants. Est-ce que je peux…
— Allez-y.
Fakhri ouvrit lentement la portière et se pencha pour fouiller dans la boîte à gants. Ses gestes étaient précis mais empreints d’une nervosité subtile que Claude ne manqua pas de remarquer. Pendant ce temps-là, Claude fit un geste discret vers Benoît en tapotant son nez avec deux doigts – un signal implicite que quelque chose clochait. Benoît acquiesça imperceptiblement avant de se repositionner près du véhicule.
Après quelques instants, Fakhri brandit le document tant attendu :
— Ça y est ! Tenez… C’est celui-là.
Claude prit le papier sans détourner son regard perçant de Fakhri et demanda calmement :
— Et votre copine ? Elle dort toujours ?
Fakhri répondit rapidement avec une nervosité palpable :
— Oui… Oui, elle dort encore. Tout va bien.
Benoît ne put s’empêcher d’ajouter avec une pointe d’ironie mordante :
— Dis donc ! Elle a le sommeil lourd votre copine !
Fakhri tenta une plaisanterie maladroite pour détourner l’attention :
— Heureusement pour ma banquette !
Benoît secoua la tête avant de lancer sur un ton acerbe :
— Je ne comprends pas… Une montre à cinq mille euros au poignet et vous roulez dans une voiture dans cet état ? Pare-brise fêlé, pneus usés jusqu’à l’os… Et le contrôle technique ? Il est dépassé ?
Fakhri baissa légèrement les yeux avant d’admettre à contrecœur :
— Oui… Je remets toujours ça au lendemain…
Claude intervint sans détourner son regard perçant :
— Cent trente-cinq euros pour le contrôle technique. Et rajoutez cent trente-cinq euros et trente points pour le téléphone au volant. Ça commence à faire cher tout ça, non ?
Fakhri passa nerveusement une main sur son visage avant de murmurer :
— Oui… Je sais bien… Ça commence à faire cher…
Claude se pencha légèrement vers lui et posa calmement mais fermement la question fatidique :
— Vous êtes connu des services de police ?
Fakhri releva brusquement la tête et répondit avec fermeté :
— Non, monsieur. Absolument pas.
Un silence pesant s’installa tandis que Claude soutenait le regard du jeune homme avec intensité. Après quelques secondes qui semblèrent durer une éternité, il se tourna vers Benoît et ordonna simplement :
— Vérifie.
Benoît s’exécuta rapidement avant d’annoncer quelques instants plus tard :
— Négatif. Pas de casier.
Un sourire confiant se dessina sur les lèvres de Fakhri tandis qu’il déclarait avec assurance :
— Vous voyez ? Je vous l’avais dit !
Mais Claude n’était pas convaincu. Ses instincts lui murmuraient que quelque chose ne collait pas – que cet homme cachait quelque chose sous ses airs impeccables. Il fixa Fakhri intensément avant de lâcher sèchement :
— Tu sais à quoi je pense, Benoît ?
Benoît haussa les épaules :
— Non, Claude. Tu penses à quoi ?
Claude se redressa légèrement avant d’asséner froidement :
— Je pense qu’on a entendu assez de conneries pour aujourd’hui…
Claude fixa Fakhri avec une intensité glaciale, son regard transperçant chaque mot, chaque geste. Puis il lâcha, d’un ton sec et incisif :
— Je pense que j’ai assez entendu de conneries pour aujourd’hui. N’est-ce pas, monsieur Fakhri Öztürk ?
Fakhri cligna des yeux, pris au dépourvu.
— Euh, quoi ? Comment ça ?
Claude s’avança légèrement, son ton devenant plus accusateur, presque cinglant.
— Écoutez-moi bien. En montres, pas de chance pour vous, mais je m’y connais. Votre soi-disant Breitling ? C’est une Louis Vuitton Tambour. Elle ne coûte pas « quatre à cinq mille euros », elle vaut quinze mille euros. Quinze mille ! Autour du cou, cette grosse chaîne ? Ça ressemble bien plus à de l’or massif qu’à du chrysocale. Votre costume ? Typique de la marque Versace, tout comme votre porte-monnaie avec la tête de Medusa en relief. Et comme si ça ne suffisait pas, vous avez une liasse de billets dans votre poche qui ferait rougir un banquier. Alors dites-nous tout de suite : soit mon collègue et moi on démissionne dans l’heure pour devenir chauffeur livreur et se faire des « petits cadeaux », soit vous êtes gentiment en train de vous foutre de notre gueule ! D’où vient tout cet argent ? Comment un type avec quinze mille euros au poignet et un complet haut de gamme roule dans une épave pareille ?
Fakhri haussa les épaules avec une nonchalance calculée.
— Ça veut dire quoi, ça ?
Il répéta le geste, ses épaules se soulevant dans une mimique désinvolte qui agaça Claude au plus haut point. Le policier soutint son regard avec insistance, cherchant à déceler une faille – un tremblement, une hésitation, quelque chose qui trahirait cet homme au comportement trop lisse pour être honnête. Il sentait que quelque chose clochait et comptait bien le découvrir.
— Benoît ! Fouille la voiture. Le coffre, la boîte à gants… Tout !
Fakhri s’écria, sa voix montant d’un cran :
— Je ne comprends pas ! Qu’est-ce que c’est le problème ?
Claude haussa les épaules en mimétisme moqueur avant de répondre avec un sourire narquois :
— Vous n’avez rien d’illégal sur vous ?
— Non, rien.
— Très bien alors. Mettez vos mains contre la vitre et écartez les jambes.
Fakhri obéit à contrecœur tandis que Claude procédait à une fouille corporelle méticuleuse. Pendant ce temps, Benoît inspectait le coffre et la boîte à gants.
— Rien de spécial dans le coffre, annonça Benoît après quelques minutes. Juste un sac de sport vide.
Claude fit un signe impatient.
— Vérifie sous les sièges.
Benoît acquiesça tandis que Claude continuait sa fouille corporelle sans trouver quoi que ce soit d’anormal. Fakhri restait stoïque, mais son regard trahissait une tension croissante. Benoît finit par secouer la tête.
— Rien ici non plus.
Claude ne lâcha pas prise pour autant. Ses yeux perçants s’attardèrent sur la portière arrière où dormait la femme éméchée. Il lança un regard appuyé vers Fakhri qui comprit immédiatement ses intentions.
— Non mais attendez ! Monsieur… Ça va… C’est…
Claude l’interrompit sèchement :
— Benoît ! Réveille-la.
La panique éclata chez Fakhri comme un barrage cédant sous la pression :
— Pourquoi vous me cassez la tête avec toutes ces histoires d’amendes ? Si c’est si grave que ça, moi je les paie mes amendes ! JE LES PAIE !
Claude le calma d’une voix ferme :
— Calmez-vous ! Calmez-vous !
Mais Fakhri continua, gesticulant frénétiquement :
— Non mais il n’y a rien ! Moi je suis super cool avec vous depuis tout à l’heure ! Vous me demandez si je suis connu des services de police ? Je vous réponds « non » ! Et après ça appelle le central… Qu’est-ce qu’ils ont dit ? Hein ? « Né-ga-tif », les gars ! D’accord ? Négatif ! Alors maintenant… Si j’étais blond aux yeux bleus… Ça se serait passé pareil ?
Claude fronça les sourcils et répliqua sèchement :
— Ne commencez pas à jouer la carte du racisme !
Fakhri explosa :
— Alors donnez-moi vos putains d’amendes au lieu de me faire chier !
Claude lui empoigna fermement la veste pour calmer ses mouvements agités.
— Lâchez-moi ! Lâchez-moi ! Vous ne me tenez pas là !
Claude répondit froidement :
— Mon collègue et moi on se demande simplement comment un chauffeur livreur peut se permettre tout ce luxe en roulant dans une épave pareille…
Avant que Fakhri ne puisse répliquer davantage, l’émetteur-récepteur radio mobile de Benoît crépita soudainement :
— Delta 1, carambolage sur l’A93. Rendez-vous sur les lieux immédiatement ! Beaucoup de blessés graves. À vous !
Claude échangea un regard rapide avec Benoît avant d’acquiescer :
— Affirmatif. On arrive.
Le policier tendit les papiers à Fakhri avec mépris avant de monter sur le scooter avec son collègue. Ils partirent sans un mot supplémentaire, laissant Fakhri seul sur le bord de la chaussée.
---
Quelques minutes plus tard, Fakhri rejoignit un entrepôt délabré gardé par un vigile imposant. À l’intérieur, il retrouva son complice qui l’attendait près d’un brancard où reposait la femme inconsciente.
— Alors ça va toi ? lança son ami en souriant malicieusement.
Fakhri répondit en soupirant :
— Ah… Ne m’en parle même pas… Les condés m’ont serré sur la route !
Son ami éclata de rire avant d’ajouter :
— Mais t’es là maintenant… C’est nickel !
Fakhri hocha la tête avant de désigner la femme étendue sur le brancard.
— Regarde plutôt ce que je t’apporte…
Son complice observa attentivement avant de répondre avec satisfaction :
— Elle est O négatif… Rare et précieux. Bon boulot !
Les deux hommes échangèrent une accolade rapide avant que Fakhri ne quitte l’entrepôt sombre où des trafiquants d’organes s’apprêtaient à opérer leur victime inconsciente sous le bistouri impitoyable du crime organisé.